La légionellose est une maladie causée par la bactérie Legionella pneumophila. Des chercheuses de l’Institut Pasteur détaillent, pour la première fois, le processus mis en place par la bactérie pour modifier les marqueurs épigénétiques de la cellule hôte. Ce mécanisme permet à Legionella d’échapper à la réponse immunitaire et provoquer l’infection.
Legionella pneumophila est une bactérie qui se trouve dans les eaux douces naturelles à partir desquelles elle contamine les systèmes d’air conditionnée. Dans son environnement naturel, elle se réplique dans les protozoaires - comme certaines amibes -, des êtres vivants unicellulaires fréquents dans le sol ou l’eau douce. Mais Legionella cause aussi une maladie appelée légionellose qui est une forme grave de pneumonie (voir la fiche maladie « légionellose »). Chez la personne atteinte, elle se réplique à l’intérieur de certaines cellules de l’organisme tels que des cellules immunitaires des poumons (ou macrophages alvéolaires). Pour réussir sa réplication, la bactérie réprime les gènes de défense des cellules qu’elle infecte. Elle échappe au système immunitaire pour survivre dans les cellules humaines. Ce mécanisme a été observé dès 2013 par l’unité de Biologie des bactéries intracellulaires de l’Institut Pasteur, dirigée par Carmen Buchrieser.
Le mécanisme « épigénétique » mis en place par Legionella enfin révélé
Dans une étude récente, Carmen Buchrieser et Monica Rolando dans son équipe, détaillent pour la première fois le mécanisme moléculaire mis en place par la bactérie.
« Ce qui est extraordinaire, c’est que Legionella secrète deux protéines, normalement absentes dans la bactérie mais présentes dans les cellules de l’hôte. Ces deux protéines de Legionella travaillent en concertation pour manipuler l’expression des gènes de la cellule hôte directement dans le noyau », explique Carmen. En effet, ces deux protéines entrainent des modifications épigénétiques : des enzymes spécialisées apposent des marques biochimiques sur l’ADN ou sur des protéines qui le structurent.
Dans cette nouvelle étude, la nouvelle enzyme bactérienne identifiée est capable de marquer des protéines du noyau cellulaire, appelées « histones ». Le marquage consiste à éliminer, sur ces protéines, un groupe d’atomes (le groupe acétyle) : les scientifiques parlent de « désacétyler les histones ». « Ce qui est remarquable est que la nouvelle protéine que nous venons de découvrir travaille en concertation avec la protéine découverte en 2013 (appelée RomA) pour manipuler la même marque sur les histones. Elle permet ainsi à RomA d’agir sur les gènes de réponse immunitaire », conclut la chercheuse.
Un espoir de traitement, avec des inhibiteurs
Cette découverte est un espoir pour développer de nouveaux traitements pour traiter des infections bactériennes, en particulier pour des bactéries résistantes aux antibiotiques. Des équipes de l’Institut Pasteur (par ex. celle de Paola Arimondo - page en anglais) travaillent sur la synthèse d’inhibiteurs épigénétiques. Ces traitements sont déjà utilisés contre certains cancers et permettent d’inhiber des processus moléculaires qui module l’expression des gènes.
--------------------------------------------------
Source :
Legionella para-effectors target chromatin and promote bacterial replication, Nature communications, 14 avril 2023.