L’épidémie de Covid-19 a fortement impacté la vie de la population mondiale. La maladie, la distanciation sociale et les mesures de confinement ont eu de multiples effets sur notre santé, notamment sur notre microbiome, les répercussions sur celui-ci étant peu étudiées. Coordonné par Brett Finlay (Université de la Colombie-Britannique) et Tamara Giles-Vernick (Institut Pasteur, Paris), un groupe d’éminents chercheurs en sciences biomédicales et sociales spécialistes du microbiome, a publié un article explorant les conséquences potentielles de la pandémie et amenant biologistes et chercheurs en sciences sociales à s’interroger dans le cadre de la poursuite de leurs recherches collaboratives.
Le corps humain est peuplé d’une multitude de micro-organismes (bactéries, virus, champignons...) formant notre microbiome. Ce microbiome est fondamental pour notre santé, mais sa diversité tend à diminuer avec le temps en raison de notre mode de vie urbain, de l’utilisation des antibiotiques et d’une hygiène excessive. Or, la pandémie de Covid-19 pourrait accentuer ce déclin. Un groupe de chercheurs a fait part de ses découvertes sur ce phénomène dans un article. Ses travaux ont été étayés par des réunions organisées dans le cadre du programme Microbiome humain du CIFAR (organisme de recherche mondial).
Pandémie de Covid-19 : un facteur de perte microbienne globale ?
« La pandémie de Covid-19 pourrait, à l’échelle internationale, influer de manière considérable et inégale sur les microbes dont l’humanité dépend. Les mesures et modes actuels de contrôle de la pandémie, de la distanciation physique aux règles d’hygiène renforcées, pourraient avoir des effets à long terme. Ils sont susceptibles de favoriser la perte microbienne globale et de compliquer le renouvellement de cette diversité perdue, pourtant essentielle, au sein de la population », explique Tamara Giles-Vernick, responsable de l’unité Anthropologie et écologie de l’émergence des maladies à l’Institut Pasteur (Paris). Plusieurs facteurs épidémiques pourraient accentuer la diminution de la diversité du microbiome, à commencer par le virus lui-même, qui affecterait directement le microbiome du tube digestif et des voies respiratoires. Par ailleurs, les patients souffrant de formes graves de Covid-19 se voient parfois administrer de fortes doses d’antibiotiques, ce qui peut nuire à leur microbiome.
Mesures nécessaires de prévention de la propagation du virus : un danger pour le microbiome ?
La Covid-19 ne nuit pas uniquement aux personnes infectées par le virus. En effet, les mesures visant à contrôler la propagation de la pandémie affectent les sociétés dans leur ensemble, mais de manière inégale. Dans ce contexte sanitaire, il est ainsi recommandé de se laver fréquemment les mains voire de désinfecter régulièrement certains lieux publics et privés à l’eau de Javel ou à l’aide d’autres produits spécifiques. Ces règles d’hygiène sont cruciales pour limiter la transmission, mais elles peuvent également porter atteinte au microbiome de plusieurs façons. Les conditions de confinement, elles, peuvent impacter la diversité microbienne négativement, chez ceux qui réduisent leur activité physique tout en consommant davantage d’aliments malsains, ou positivement, chez ceux qui privilégient les plats maison au détriment des aliments transformés. Enfin, la limitation des interactions sociales, qui contribuent à la composition du microbiome intestinal, pourrait avoir des conséquences sur les populations très jeunes ou âgées, notamment dans les sociétés où ces dernières ne cohabitent pas avec les jeunes générations.
Les chercheurs affirment également que la pandémie offre une opportunité unique d’étudier la relation entre le microbiome, le virus SARS-CoV-2 et les conditions et mutations sociales et économiques. Les connaissances acquises pourraient jouer un rôle clé dans la prévention, le traitement et les conséquences biologiques et sociales à long terme de cette pandémie et de celles à venir.
Source:
The hygiene hypothesis, the COVID pandemic and consequences for the human microbiome, PNAS, 20 janvier 2021
B. Brett Finlay1,2, Katherine R. Amato2,3, Meghan Azad2,4, Martin J. Blaser2,5 Thomas C.G. Bosch 2,6, Huitung Chu2,7, Maria Gloria Dominguez-Bello2,8, Stanislav Dusko Ehrlich2,9, Eran Elinav2,10, Naama Geva-Zatorsky2, 11, Philippe Gros2,12, Karen Guillemin2, 13, Frédéric Keck2,14,15, Tal Korem2,16, Margaret J. McFall-Ngai2,17, Melissa K. Melby2,18, Mark Nichter2,19, Sven Pettersson2, 20, Hendrik Poinar2, 21, Tobias Rees2,22, Carolina Tropini 2,23, 24, Liping Zhao2,8, Tamara Giles-Vernick2, 25
1 Michael Smith Laboratories, University of British Columbia, #301-2185 East Mall, Vancouver, B.C. Canada V6T 1Z4
2 Humans and the Microbiome Program, CIFAR, 661 University Ave, Toronto, ON Canada M5G 1M1
3 Department of Anthropology, Northwestern University, Evanston, IL 60208 USA
4 Manitoba Interdisciplinary Lactation Centre (MILC), Children's Hospital Research Institute of Manitoba, 715 McDermot Ave, Winnipeg, MB Canada R3E 3P4
5 Center for Advanced Biotechnology and Medicine at Rutgers Biomedical and Health
Sciences, Rutgers University, 679 Hoes Lane West, Piscataway, New Jersey 08854-8021 USA
6 Zoologisches Institut, University of Kiel, Christian-Albrechts-Platz 4, 24118 Kiel, Germany
7 Department of Pathology, University of California San Diego, La Jolla, CA USA
8 Department of Biochemistry and Microbiology, Rutgers University, 71 Lipman Dr, New Brunswick, NJ 08901 USA
9 INRA, 78350 Jouy-en-Josas, France
10 Weizmann Institute of Science, Wolfson Bldg., Rehovot, 761000 Israel and Cancer- Microbiome Division Deutsches Krebsforschungszentrum (DKFZ), Neuenheimer Feld 280, 69120 Heidelberg, Germany
11 Technion Integrated Cancer Center; Department of Cell Biology and Cancer Science,
Technion- Israel Institute of Technology, 1 Efron St., 12th Floor, Haifa, Bat Galim, 3525433 Israel
12 Department of Biochemistry, McGill University, McIntyre Medical Building, 3655 Promenade Sir William Osler, Montreal, Quebec H3G 1Y6 Canada
13 Institute of Molecular Biology, University of Oregon, 1318 Franklin Blvd., Eugene, OR 97403 USA
14 Centre National de la Recherche Scientifique, 3 Rue Michel Ange, 75016 Paris, France
15 Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Collège de France, 3 rue d'Ulm, 75005 Paris, France
16 Department of Systems Biology; Department of Obstetrics and Gynecology; Columbia University, Irving Cancer Research Center 1130 St. Nicholas Avenue, New York, NY 10032 USA
17 Pacific Biosciences Research Center, University of Hawai’i at Manoa, 1993 East-West Road, Honolulu, HI 96822 USA
18 Department of Anthropology, University of Delaware, Newark, DE 19711 USA
19 Department of Anthropology, University of Arizona, Emil W. Haury Anthropology Bldg, 1009 E South Campus Dr, Tucson, AZ 85721 USA
20 Nanyang Technological University, 20 Nanyang Green, Singapore 637715
21 Department of Anthropology, McMaster University, Chester New Hall, Hamilton, Ontario, Canada L8S 4M4
22 Berggruen Institute, 304 S. Broadway, Los Angeles, CA 90013 USA
23 School of Biomedical Engineering, University of British Columbia, 251 - 2222 Health Sciences Mall, Vancouver, BC Canada V6T 1Z3
24 Department of Microbiology & Immunology, University of British Columbia, 1365 – 2350 Health Sciences Mall, Vancouver, British Columbia Canada V6T 1Z3
25 Anthropology & Ecology of Disease Emergence, Institut Pasteur, 25-28 rue du Docteur Roux 75015 Paris, France
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.