Les infections alimentaires, dont la principale est la salmonellose causée par la bactérie Salmonella, demeurent un problème de santé publique mondiale avec plus 600 millions d’infections et 400 000 morts chaque année. L’utilisation d’antibiotiques lors des épisodes épidémiques pourrait engendrer des résistances. Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont montré que les bactériophages pourraient servir de traitement prophylactique.
Le centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella (CNR), à l’Institut Pasteur, répertorie annuellement environ 10 000 isolements de Salmonella en France. Les personnes âgées, les enfants, et les patients immunodéprimés sont les personnes les plus à risque de développer des formes graves de gastroentérite pouvant conduire à un décès. Chez ces patients la prescription d’un traitement antibiotique reste fréquente.
L’utilisation d’antibiotiques en cas d’épidémie peut engendrer des résistances
Lors d’épisodes épidémiques de salmonellose, provoqués par la dissémination d’aliments contaminés (œuf, lait, viande), un grand nombre de personnes peuvent rapidement être infectées (224000 aux Etats-Unis en 1994 et 25000 en France en 1985). Face à une telle situation, la prescription d’antibiotiques à large échelle peut être envisagée, au risque de sélectionner des souches résistantes aux antibiotiques.
Les bactériophages : un traitement possible pour prévenir l’infection
Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement prophylactique (à administrer en prévention d’uneinfection), qui pourrait activement combattre la dissémination des salmonelles. Les recommandations d’usage concernent l’hygiène et une cuisson suffisante des aliments. Les bactériophages, des virus qui ciblent les bactéries, peuvent réduire les symptômes de la salmonellose lorsqu’ils sont administrés avant le déclenchement de l’infection. C’est ce que vient de montrer expérimentalement le laboratoire Bactériophage, Bactérie, Hôte, dirigé par Laurent Debarbieux à l’Institut Pasteur. De plus, de par leur étroite spécificité, les bactériophages ne ciblent que certaines bactéries. Ils n’ont donc pas d’effet négatif sur le microbiote digestif, comme l’a montré l’étude.
Une étude qui ouvre la voie à de nouvelles utilisations des bactériophages
Ces travaux ouvrent la voie au développement d’un traitement prophylactique sans effet secondaire majeur. Mais leur implication va plus loin : « Nos travaux mettent également en lumière que les bactériophages, qui sont de plus en plus considérés comme un traitement de dernier recours pour des patients infectés par des bactéries multi résistantes, peuvent aussi être utile pour prévenir des infections à large échelle », déclare Laurent Debarbieux.
Une autre utilisation envisageable pourrait être de fournir des bactériophages aux personnels travaillant au contact d’animaux porteurs de Salmonella ou bien encore aux personnes voyageant dans des régions où l’incidence de la salmonellose reste élevée. Pour développer ces futures utilisations, des études contrôlées sur le terrain seront nécessaire.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Prophylactic Administration of a Bacteriophage Cocktail Is Safe and Effective in Reducing Salmonella enterica Serovar Typhimurium Burden in Vivo, Microbiology Spectrum, 25 aout 2021
Quentin Lamy-Besniera,b , Lorenzo Chaffringeona,c, Marta Lourençoa,d, Rayford B. Paynee, Jimmy T. Trinhe,Jennifer A. Schwartze, Alexander Sulakvelidzee, Laurent Debarbieuxa
aDepartment of Microbiology, Institut Pasteur, Paris, France
bUniversité de Paris, Paris, France
cSorbonne Université, INSERM, Centre de Recherche St Antoine, UMRS_938, Paris, France
dSorbonne Université, Collège Doctoral, Paris, France
eIntralytix, Inc., Columbia, Maryland, USA.