Une équipe de l’Institut Pasteur a développé et testé avec succès sur un modèle primate un vaccin pentavalent, contre les cinq Arénavirus pathogènes qui circulent en Amérique du Sud. Ces virus ont chacun une incidence faible, mais un très fort taux de mortalité, les rassembler en un seul vaccin permettrait donc de faciliter son développement et de protéger au plus vite la population.
Les Arénavirus du Nouveau Monde, une famille de virus présents en Amérique, peuvent être hautement pathogènes. Pour le moment, le seul vaccin existant cible le virus Junin, présent en Argentine. Les autres virus ne font pas l’objet de vaccin, car leur incidence sur la population humaine est actuellement faible. Pourtant, des émergences sporadiques, de plus en plus fréquentes, sont rapportées avec de très forts taux de mortalité. De ce fait, « un vaccin multivalent semble être le plus adapté pour proposer à moindre coût une solution en cas d’épidémie, quel que soit le virus responsable », explique Stéphanie Reynard, ingénieur de recherche au sein de l’unité de Biologie des infections virales émergentes à l’Institut Pasteur. C’est justement ce type de vaccin qu’a développé cette unité hébergée au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI, CNRS/École normale supérieure de Lyon/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1), avec l’aide notamment du Hub bio-informatique de l’Institut Pasteur et du laboratoire P4 Inserm-Jean Mérieux.
Tout a commencé avec la fièvre de Lassa, maladie causée par un Arénavirus endémique de l’Afrique de l’Ouest, qui cause 5000 à 6000 morts par an. L’unité de recherche avait, en 2019, mis au point deux candidats-vaccins contre cette maladie, basés sur des virus vivants atténués modifiés pour exprimer des antigènes du virus Lassa : le premier à partir du virus de la rougeole, et le deuxième basé sur un virus nommé Mopeia, un virus proche du virus Lassa mais qui n’est pas pathogène pour l’homme. Si dans le cadre de ce vaccin, le virus rougeole a été sélectionné pour un essai clinique, la preuve de concept sur le virus Mopeia était particulièrement intéressante : « L’infection par ce virus modifié et atténué permet une très forte réponse immunitaire dans un modèle in vitro. De plus, il est possible de remplacer le gène des glycoprotéines du virus Mopeia par n’importe lequel des gènes de glycoprotéines des virus de la même famille, les Arénavirus. Or, les glycoprotéines sont impliquées dans l’entrée du virus dans la cellule au moment de l’infection et constituent donc une cible majeure pour le système immunitaire », précise Séphanie Reynard.
Adapter le vaccin MOPEVAC aux Arénavirus du Nouveau Monde
L’équipe a donc adapté ce candidat vaccin, baptisé MOPEVAC, aux cinq Arénavirus qui circulent en Amérique du Sud et sont dangereux pour l’homme. « Nous avons commencé par une preuve de concept : un vaccin monovalent, dirigé uniquement contre l’un de ces virus, le Machupo. Ensuite, nous avons développé le vaccin pentavalent, que nous avons testé contre le virus Machupo afin de vérifier qu’on gardait la même protection, et contre le virus Guanarito, afin de montrer qu’il était efficace contre un second virus », détaille Sylvain Baize, responsable de l’unité de Biologie des infections virales émergentes.
Ces expérimentations, menées grâce à des financements internes de l’Institut Pasteur, ont démontré que ce vaccin est très efficace, car il a procuré, sur les modèles animaux, une immunité stérilisante : le virus ne se réplique pas, il est contrôlé tout de suite après l’infection. En 2023, l’équipe testera le vaccin pentavalent contre les trois virus restant et contre un autre virus proche qui a émergé en Amérique du Nord mais n’est pas présent dans la formule vaccinale. Ce programme, financé par le gouvernement dans le cadre du Plan de relance et du Programme d’investissements d’avenir permettra d’expérimenter si la protection pourrait également s’étendre à des virus émergents.
Source :
A MOPEVAC multivalent vaccine induces sterile protection against New World Arenaviruses in non-human primates, Nature Microbiology, 05 January 2023.
Stéphanie Reynard1,2, Xavier Carnec1,2, Caroline Picard1,2, Virginie Borges-Cardoso1,2, Alexandra
Journeaux1,2, Mathieu Mateo1,2, Clara Germain1,2, Jimmy Hortion1,2, Laure Albrecht1,2, Emeline Perthame3, Natalia Pietrosemoli3, Audrey Vallvé4, Stéphane Barron4, Aurélie Duthey4, Orianne Lacroix4, Ophélie Jourjon4, Marie Moroso4, Lyne Fellmann5, Pierre-Henri Moreau5, Maïlys Daniau6, Catherine Legras-Lachuer6, Manon Dirheimer7, Caroline Carbonnelle4, Hervé Raoul4, and Sylvain Baize1,2
1- Unité de Biologie des Infections Virales Emergentes, Institut Pasteur, Lyon, France.
2- CIRI, Centre International de Recherche en Infectiologie, Univ Lyon , Inserm, U1111, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, UMR5308, ENS de Lyon, F-69007, Lyon, France.
3- Institut Pasteur, Université de Paris, Bioinformatics and Biostatistics Hub, Paris, F-75015, France.
4- Laboratoire P4 INSERM-Jean Mérieux, Inserm US003, 69007 Lyon, France.
5- SILABE, Université de Strasbourg, Fort Foch, 67207 Niederhausbergen, France.
6- ViroScan3D SAS, Trevoux, France.
7- Inserm, Délégation Régionale Auvergne Rhône-Alpes, Bron, France.