La température à la surface de l’océan indien pourrait permettre de mieux anticiper les épidémies de dengue

Communiqué de presse
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S’il est impossible d’éviter les épidémies de dengue, il est possible de les anticiper. Aujourd’hui, une équipe internationale de recherche, comprenant des scientifiques de l’Institut Pasteur et de l’Université normale de Pékin (Chine), vient justement d’identifier un nouvel indicateur climatique global susceptible d’améliorer les prévisions de l’ampleur des épidémies de dengue à l’échelle de quelques mois. Cet indicateur, qui peut être utilisé pour n’importe quelle région du globe, se base sur les fluctuations des températures de surface de l’océan Indien. Obtenir des prévisions fiables à long terme pourrait faciliter la lutte contre cette infection en pleine recrudescence depuis plusieurs décennies et menaçant la moitié de la population mondiale. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans la revue Science le 9 mai 2024.

Anticiper la survenue des épidémies de dengue est un enjeu crucial pour organiser au mieux la lutte contre les moustiques qui transmettent cette maladie et mobiliser les ressources hospitalières nécessaires. Et pour cause, si des vaccins ont été développés, aucun traitement spécifique n’existe pour traiter les symptômes de cette « grippe tropicale », et les épidémies sont extrêmement fluctuantes d’une année sur l’autre. « La dynamique de la dengue est complexe car le virus responsable de cette infection existe sous quatre formes différentes, ou sérotypes, qui peuvent changer d’une année sur l’autre et d’un pays à l’autre, rappelle Simon Cauchemez, dernier co-auteur de l’étude et directeur de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur. L’ampleur des épidémies peut donc varier de façon importante d’une saison à l’autre. »

Il est aujourd’hui clairement établi que la reproduction et l’infectiosité des moustiques du genre Aedes qui transmettent les virus de la dengue, et par extension le taux de transmission et l’ampleur des épidémies, sont intimement corrélées à la température et à la pluviométrie locales. Mais ces paramètres ne sont prévisibles qu’entre 2 semaines et 3 mois à l’avance, avec une qualité des prévisions qui décroît rapidement. De leur côté, les indicateurs climatiques globaux comme ENSO (El Niño – Oscillation australe) sont en général prévisibles sur une fenêtre de temps plus longue, pouvant aller au-delà de 6 mois. Une équipe internationale a donc décidé d’étudier 30 indicateurs climatiques globaux pour déterminer si le suivi de certains pourraient aider à prévoir les épidémies de dengue plus en avance.

L’équipe a compilé deux grands ensembles de données : le nombre total de cas annuels de dengue signalés dans 46 pays d’Asie du Sud-Est et d’Amérique sur 30 ans (1990-2019), mais aussi le nombre mensuel de cas de dengue dans 24 pays sur 6 ans (2014-2019). Ils ont alors trouvé que parmi tous les indicateurs considérés, l’indice IOBW (Indian Ocean basin-wide), qui mesure les fluctuations de températures de surface de l’océan Indien, était l’indicateur global le plus corrélé à l’incidence annuelle de la dengue dans l’Hémisphère Nord comme l’hémisphère Sud.

« Nos résultats ont révélé que l'intégration de l'indice IOBW dans notre modèle mathématique permettait d'obtenir des simulations plus proches des données en situation réelle, par rapport au modèle excluant l'indice IOBW », ajoute Huaiyu Tian, co-dernier auteur de l'étude et directeur du Centre pour le changement global et la santé publique de l'Université normale de Pékin. « L'allongement du délai et l'amélioration de la capacité de prévision soulignent l'importance de l'indice IOBW dans la prévension de la dengue et pour les systèmes d'alerte précoce. »

Des résultats théoriques intéressants qu’il sera nécessaire de valider en conditions réelles. « Nous avons pour projet de développer des modèles de prévisions des épidémies de dengue en Guadeloupe, Guyane et Martinique et nous allons étudier si l’indice IOBW peut améliorer ces prédictions de manière effective, explique Simon Cauchemez. Le climat n’est pas le seul facteur impactant les épidémies de dengue. Il est également essentiel de prendre en compte dans ces modèles de prévision d’autres facteurs comme le niveau d’immunité dans la population, les souches qui ont circulé dans le passé, etc. »

Si les preuves s’accumulent, ce nouvel indicateur pourrait aider à améliorer la prévision des épidémies de dengue et, par conséquent, la lutte contre cette maladie infectieuse qui touche 50 000 millions de personnes par an et dont l’incidence a augmenté de façon significative ces dernières années, notamment en France hexagonale. Entre le 1er janvier et le 19 avril 2024, 1 679 cas de dengue importée ont en effet été notifiés à Santé publique France contre 131 sur la même période en 2023.


Source

Indian Ocean temperatures anomalies predict long-term global dengue trends, Science, 9 mai 2024

Yuyang Chen1,2†, Yiting Xu3†, Lin Wang4†, Yilin Liang1†, Naizhe Li3, José Lourenço5, Yun Yang1, Qiushi Lin1, Ligui Wang6, He Zhao7, Bernard Cazelles8,9, Hongbin Song6, Ziyan Liu1, Zengmiao Wang1, Oliver J Brady10,11‡, Simon Cauchemez12‡*, Huaiyu Tian1‡*

1. State Key Laboratory of Remote Sensing Science, Center for Global Change and Public Health, Beijing Normal University; Beijing, China.
2. Yangtze Eco-Environment Engineering Research Center, China Three Gorges Corporation; Wuhan, China.
3. School of National Safety and Emergency Management, Beijing Normal University; Zhuhai, China.
4. Department of Genetics, University of Cambridge; Cambridge, UK.
5. Católica Biomedical Research Center, Católica Medical School, Universidade Católica Portuguesa, Lisbon, Portugal
6. Center of Disease Control and Prevention, PLA; Beijing, People’s Republic of China.
7. CMA Earth System Modeling and Prediction Centre, China Meteorological Administration; Beijing, China.
8. Institut de Biologie de l’École Normale Supérieure UMR 8197, Eco-Evolutionary Mathematics, École Normale Supérieure; Paris, France.
9. Unité Mixte Internationnale 209, Mathematical and Computational Modeling of Complex Systems, Sorbonne Université; Paris, France.
10. Centre for the Mathematical Modelling of Infectious Diseases, London School of Hygiene & Tropical Medicine; London, UK.
11. Department of Infectious Disease Epidemiology and Dynamics, Faculty of Epidemiology and Population Health, London School of Hygiene & Tropical Medicine; London, UK.
12. Mathematical Modelling of Infectious Diseases Unit, Institut Pasteur, Université Paris Cité, UMR2000, CNRS; Paris, France.

*Corresponding author
†These authors contributed equally to this work.
‡These authors jointly supervised the work.

 

AURÉLIE PERTHUISON
Responsable des relations presse

ANNE BURLET-PARENDEL
Attachée de presse

MYRIAM REBEYROTTE
Attachée de presse

NATHALIE FEUILLET
Chargée des relations presse

 

MARGAUX PUECH PAYS D'ALISSAC

Attachée de presse

 

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