Pascale Cossart reçoit le prix Heinrich Wieland 2018 pour ses recherches sur le mode d’invasion et d’infection des bactéries

Communiqué de presse
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Pascale Cossart, Professeure à l’Institut Pasteur de Paris, s’apprête à recevoir le prix Heinrich Wieland 2018 pour ses découvertes fondamentales en biologie moléculaire et cellulaire des infections. Les travaux innovants de Pascale Cossart ont offert un éclairage sur la façon dont les bactéries pathogènes, notamment Listeria à l’origine d’une infection alimentaire, pénètrent dans les cellules humaines en utilisant les mécanismes propres aux cellules hôtes et trompant le système immunitaire afin de lui échapper. Ses recherches ouvrent la voie à de nouvelles thérapies de lutte contre les infections bactériennes, responsables de près d’un quart des décès dans le monde. Le prix d’un montant de 100 000 euros décerné par la fondation à but non lucratif Boehringer Ingelheim lui sera remis à l’occasion d’un colloque scientifique qui se tiendra à Munich, en Allemagne, le 22 novembre 2018.

Lorsque Pascale Cossart a commencé ses travaux il y a 30 ans, la bactérie Listeria monocytogenes, était  un agent pathogène peu connu. Cette bactérie est responsable d’infections d’origine alimentaire qui peuvent se manifester sous la forme d’encéphalites,  gastro-entérites ou septicémies sévères ainsi que d’avortements. La listériose est souvent mortelle en particulier chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli. Les investigations de Pascale Cossart sur l’interaction entre L. monocytogenes et la machinerie de la cellule hôte a considérablement enrichi notre compréhension du mode de survenue des infections et ainsi que sur des moyens potentiels de les combattre. Ces connaissances revêtent une importance capitale au vu de la résistance croissante des agents pathogènes aux antibiotiques et de l’implication supposée des infections bactériennes et virales dans 15 à 20 % des cancers.

« L’ampleur et l’impact colossaux des découvertes scientifiques de Pascale Cossart nous permettent d’esquisser un tableau complet de la manière dont Listeria et d’autres bactéries pathogènes peuvent nous rendre malades voire nous tuer », déclare le Professeur Felix Wieland, président du jury du prix Heinrich Wieland. « Pascale Cossart nous a apporté des connaissances inestimables sur le mode d’infection des bactéries et sur la façon dont notre corps y réagit. Les retombées de ses travaux dans des domaines aussi divers que la biologie des infections, la biologie cellulaire et la microbiologie ont été et demeurent monumentales. »

Pascale Cossart a fait des découvertes majeures, à l’avant-garde de la médecine moléculaire, de la microbiologie, de la biologie cellulaire et, plus récemment, de l’épigénétique. Elle a, à cette fin, combiné de nouvelles approches associant la biologie moléculaire et cellulaire à la génétique bactérienne. Elle a ainsi été, il y a 25 ans, l’une des pionnières d’une discipline naissante qu’elle a baptisée « microbiologie cellulaire ». Pascale Cossart et ses collaborateurs ont, en effet, été les premiers à découvrir comment  L. monocytogenes feignait d’appartenir à l’hôte pour entrer dans les cellules, se déplaçait à l’intérieur de ces dernières, re-ciblait la machinerie cellulaire des cellules infectées pour satisfaire ses propres besoins et se disséminait dans notre corps. Aujourd’hui, L. monocytogenes compte parmi les bactéries pathogènes les plus étudiées et sert très souvent de modèle dans les recherches sur les processus infectieux.

Pascale Cossart et ses collaborateurs ont, par exemple, identifié les principales molécules que L. monocytogenes utilise, ainsi que les mécanismes que la bactérie  exploite pour franchir les barrières corporelles de l’hôte, c’est-à-dire la muqueuse intestinale et le placenta (barrière entre la mère et le fœtus). Ainsi, pour traverser la barrière intestinale, elle utilise une molécule qui mime la molécule E-cadhérine, et est reconnue par la E-cadhérine présente sur nos cellules, amenant ces dernières à ingérer la bactérie. Les cellules enveloppent la bactérie dans une poche membranaire en se préparant à la dégrader. Cependant, Listeria s’échappe et commence à se multiplier à l’intérieur de la cellule, ce qui incite le système immunitaire de l’hôte à dépêcher certaines cellules immunitaires qui  repèrent et détruisent les cellules envahies par la bactérie afin d’enrayer l’infection. Cette réponse immunitaire déclenchée par L. monocytogenes a conduit d’autres chercheurs à développer des variants atténués de la bactérie comme vaccins thérapeutiques contre le cancer.

Pascale Cossart compte également parmi les pionniers de la dissection des molécules et des signaux utilisés par les bactéries et notamment L. monocytogenes pour envahir et se déplacer à l’intérieur des cellules hôte en re-ciblant son cytosquelette, ce réseau complexe de filaments qui confère à la cellule  sa forme et sa plasticité. Les filaments dits d’actine du cytosquelette répondent au signal de l’intrus au moment de l’invasion et une fois la bactérie dans la cellule, commencent à se structurer en « queue de comète » à l’un des pôles de la bactérie, la propulsant à travers la cellule, puis jusqu’aux cellules voisines. La compréhension du mode de constitution de ces « queues de comète » a permis de décrypter les mécanismes d’assemblage et de désassemblage des filaments d’actine et d’élucider, par exemple, les déplacements des cellules à l’intérieur des tissus.

En étudiant la réponse interne des bactéries à l’infection, Pascale Cossart a découvert le premier ARN thermosenseur impliqué dans la virulence, une molécule d’ARN qui active les gènes de virulence bactériens lorsque L. monocytogenes est ingérée et donc portée à la température corporelle. Cet ARNs riborégulateur ou « riboswitches » constitue un moyen rapide et sophistiqué d’activer tout un groupe de gènes en réponse à des changements d’environnement, ou de nutriments. Les riborégulateurs répondent aussi à l’administration d’antibiotiques. Pascale Cossart et d’autres chercheurs ont récemment remarqué l’utilisation bien plus large qu’on ne le pensait des riboswitches dans les bactéries, offrant la possibilité de les exploiter pour développer de nouvelles classes d’antibiotiques.

Récemment, Pascale Cossart a aussi abordé l’étude des modifications épigénétiques induites par  Listeria. Celle-ci  se sert par exemple d’une toxine pour manipuler le mode d’empaquetage des gènes à l’intérieur du noyau de la cellule hôte. Le mode d’empaquetage des gènes déterminant s’ils sont actifs ou non, cette découverte marque une étape essentielle dans l’utilisation de la machinerie de la cellule hôte pour satisfaire les besoins de l’agent pathogène.

En résumé, les travaux de Pascale Cossart ont été, et seront de nombreuses années encore, à l’origine d’une multitude de découvertes sur les bactéries pathogènes et sur la manière dont nous pouvons les combattre.

 

Biographie de Pascale Cossart

Pascale Cossart
Pascale Cossart étudie la chimie à l’Université de Lille et obtient, en 1971, un Master of Science à l’Université de Georgetown (Washington DC) avant de rentrer en France, où elle soutient son doctorat en biochimie à l’Université de Paris en 1977. Dès lors, elle travaille à l’Institut Pasteur et devient professeure en 1997. Elle dirige actuellement l’unité Inserm / Inra Interactions bactéries-cellules dans le Département de biologie cellulaire et infection. Au cours de sa carrière, elle a reçu de nombreuses distinctions scientifiques. Elle a, notamment, été élue membre de l’EMBO, de la Royal Society (Royaume-Uni), de l’American Academy of Microbiology (États-Unis), de la Deutsche Akademie der Naturforscher Leopoldina (Allemagne) et de la National Academy of Sciences (États-Unis). Depuis janvier 2016, elle est Secrétaire perpétuel à l’Académie des sciences (France). De nombreuses récompenses lui ont été décernées, parmi lesquelles le prix Robert Koch, le prix Louis-Jeantet de médecine, le prix L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science, et le prix Balzan.

Prix Heinrich Wieland

Ce prix international récompense des activités de recherche remarquables sur des molécules et systèmes biologiquement actifs dans les domaines de la chimie, de la biochimie et de la physiologie, ainsi que leur importance clinique. D’un montant de 100 000 euros, il porte le nom du lauréat du prix Nobel Heinrich Otto Wieland (1877-1957) et est décerné chaque année depuis 1964. Parmi les primés, élus par un jury composé de scientifiques, figurent quatre lauréats du prix Nobel. Depuis 2011, la dotation est apportée par la Fondation Boehringer Ingelheim.

 

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