Après avoir démontré le rôle protecteur d'une enzyme de l'immunité naturelle de l'organisme contre B. anthracis, la bactérie de l'anthrax, des chercheurs de l'Institut Pasteur, de l'Inserm et du CNRS expliquent aujourd'hui comment le bacille est capable d'échapper à l'action bactéricide de cette enzyme : il produit une toxine qui inhibe sa synthèse. Ces travaux*, publiés dans PloS Pathogens, mettent en évidence de nouvelles pistes thérapeutiques contre la maladie du charbon.
Communiqué de presse
Paris, le 10 décembre 2007
Bacillus anthracis - en rouge, la capside. en bleu, l'ADN. La maladie du charbon, (anthrax, en anglais) est causée par la bactérie Bacillus anthracis, et touche les mammifères, dont l’homme. B. anthracis survit dans l’environnement sous forme de spores qui, une fois entrées dans l’organisme, peuvent germer et donner naissance aux bactéries proprement dites. Celles-ci se multiplient alors rapidement en produisant des toxines. Toxémie et septicémie provoquées par B. anthracis sont mortelles dans 100% des cas d’infection par inhalation et en dehors de tout traitement. Et ce dernier, qui consiste en une antibiothérapie et des soins intensifs, n’est pas toujours suffisant pour éviter une issue fatale.
En 2004, les chercheurs du groupe de Lhousseine Touqui, au sein de l’unité Défense innée et inflammation (Institut Pasteur/Inserm U874), dirigée par Michel Chignard, ainsi que de l’équipe de Pierre Goossens, dans l’unité Toxines et pathogénie bactérienne (Institut Pasteur/CNRS URA2172) dirigée par Michèle Mock, en collaboration avec des chercheurs du CNRS, avaient démontré in vitro et in vivo que l’organisme était naturellement armé pour lutter contre la bactérie du charbon. Les scientifiques avaient en effet prouvé que des cellules du système immunitaire, appelées macrophages, produisent une enzyme aux propriétés bactéricides. Au niveau des poumons, celle-ci est fabriquée en quantité suffisante pour détruire B. anthracis sous forme inhalée. Leurs expériences avaient même démontré que l’injection de l’enzyme à des souris infectées permettait de les sauver. Pourtant, malgré la capacité de l’organisme à produire cette enzyme, la contamination par voie aérienne reste fatale si elle n’est pas traitée. Restait donc à déterminer ce qui permettait à B. anthracis d’empêcher le bon fonctionnement de cette enzyme.
Les chercheurs ont découvert que c’est l’une des toxines qu’elle secrète qui permet à la bactérie de contrer l’action de l’enzyme protectrice : cette toxine inhibe la synthèse de l’enzyme par les macrophages des poumons, réduisant ainsi leur capacité à tuer les bacilles et les spores germés de B. anthracis. « Nous avons pu déterminer au niveau moléculaire quels mécanismes intervenaient dans l’inhibition de la synthèse de l’enzyme, précisent Lhousseine Touqui et Pierre Goossens. Nous espérons ainsi pouvoir identifier de nouvelles cibles thérapeutiques contre la maladie du charbon. L’utilisation de l’enzyme protectrice, qui élimine la bactérie beaucoup plus rapidement que les antibiotiques aujourd’hui administrés, pourrait par exemple constituer une piste intéressante ».
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* Ce travail est soutenu par une bourse de la Fondation pour la Recherche Médicale (Prix Marianne Josso)
Sources
« Edema Toxin impairs Anthracidal Phospholipase A2 Expression by Alveolar Macrophages », PloS Pathogens, 7/12/2007.
Benoît Raymond (1,2), Dominique Leduc (1,2), Lucas Ravaux (3), Ronan Le Goffic (1,2), Thomas Candela (4), Michel Raymondjean (3), Pierre-Louis Goossens (4) and Lhousseine Touqui (1,2).
(1,2) Unité de Défense innée et inflammation, Institut Pasteur/Inserm U874, Paris, France
(3) UMR CNRS 7079 - Physiologie et physiopathologie, Université Pierre et Marie Curie, Paris, France
(4) Unité des Toxines et pathogénie bactérienne, Institut Pasteur/CNRS, URA-2172, Paris, France.
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