Un groupe de scientifiques internationaux coordonné par Stewart Cole de l'Institut Pasteur vient de découvrir les bases génétiques de la toxine de Mycobacterium ulcerans, responsable de l'ulcère de Buruli.
Communiqué de presse
Paris, le 20 janvier 2004
Maladie émergente en pleine expansion, l’ulcère de Buruli est la troisième infection mycobactérienne la plus répandue après la tuberculose et la lèpre. Provoquée par une bactérie appelée Mycobacterium ulcerans, cette maladie se manifeste par de graves ulcérations de la peau, des muscles et des os. Elle laisse ses victimes gravement défigurées, voire invalides.
L’Organisation Mondiale de la Santé considère l’ulcère de Buruli comme une menace émergente pour la santé publique. Cette maladie sévit dans une trentaine de pays : les zones marécageuses des régions tropicales et subtropicales d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et du Pacifique occidental. Elle est particulièrement répandue en Afrique de l’Ouest, où la dissémination de l’agent infectieux semble s’accélérer depuis les années 80. Au Ghana, par exemple, 22% des villageois sont touchés dans certaines régions; 16% de la population de certains villages de Côte d’Ivoire sont affectés.
Les équipes* coordonnées par Stewart Cole, Chef de l’Unité de Génétique Moléculaire Bactérienne à l’Institut Pasteur viennent d’obtenir les clés génétiques de la toxine de Mycobacterium ulcerans qui détruit les tissus et inhibe le système immunitaire, la "mycolactone". Ils ont démontré que les gènes permettant la synthèse de la mycolactone sont portés par un "plasmide" géant (un plasmide est un groupement de gènes indépendant du chromosome de la bactérie, et qui peut se transmettre aisément d’une bactérie à une autre, par transfert horizontal). Ce plasmide comporte six gènes impliqués dans la synthèse de la toxine.
Les auteurs soulignent que ce système génétique est très instable et que des taux élevés de mutations peuvent expliquer les apparitions soudaines d’épidémies d’ulcère de Buruli. Certaines souches de la bactérie produisent des toxines qui leur confèrent un avantage écologique. Ceci peut également favoriser la virulence ou la transmissibilité de l’agent infectieux à l’homme, qui semble résulter de la piqûre de certains insectes aquatiques.
"Le déchiffrage de la voie de synthèse de la toxine devrait permettre d’utiliser de nouvelles approches pour combattre les infections à Mycobacterium ulcerans", concluent les chercheurs.
Les scientifiques s’attachent désormais à élaborer ces nouvelles approches.
Cette avancée majeure devrait accélérer le développement de stratégies thérapeutiques qui font cruellement défaut pour combattre la maladie. C’est un espoir important dans le contexte actuel, où l’antibiothérapie n’a encore donné aucun résultat contre l’ulcère de Buruli, le seul traitement efficace étant aujourd’hui la chirurgie suivie de greffes.
Sources
"Giant plasmid-encoded polyketide synthases produce the marcolide toxin of Mycobacterium ulcerans". PNAS, 2004.
Timothy P. Stinear (1), Armand Mve-Obiang (2), Pamela L.C. Small (2), Wafa Frigui (1), Melinda J. Pryor (1,3), Roland Brosch (1), Grant A. Jenkin (4), Paul D.R. Johnson (1,5), John K. Davies (4), Richard E. Lee (6), Sarojini Adusumili (2), Thierry Garnier (1), Stephen F. Haydock (7), Peter F. Leadlay (7), et Stewart Cole (1)
* 1. Unité de Génétique Moléculaire Bactérienne, Institut Pasteur
2. Department of Microbiology, University of Tennessee, Knoxville, USA
3. Plate-Forme 4- Intégration et analyse génomique, Génopole, Institut pasteur
4. Department of Microbiology, Monash University, Clayton, Australie
5. Department of Infectious Diseases, Austin Hospital, Heidelberg, Australie
6. Department of Pharmaceutical Sciences, University of Teennesse, Memphis, USA
7. Department of Biochemistry, University of Cambridge, Cambridge, Royaume-Uni
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