Des chercheurs de l’Institut Pasteur (Paris) ont récemment associé imagerie à fluorescence, modélisation computationnelle et microscopie électronique pour démontrer le rôle joué par la diversité des assemblages de protéines à l’échelle nanométrique sur l’hétérogénéité de la communication entre neurones à l’intérieur du cerveau. Cette étude ouvre de nouvelles pistes de recherche d’un lien entre la fonction moléculaire et les altérations du traitement des informations par le cerveau. Elle pourrait également servir de base à la compréhension de ces altérations dans les maladies de la connectivité cérébrale comme l’autisme, la schizophrénie et la dépression.
Les neurones du cerveau communiquent entre eux grâce aux synapses. La force et la plasticité synaptiques sont des paramètres fondamentaux pour faire transiter les informations à l’intérieur du cerveau et stocker les souvenirs. Contrairement aux connexions des circuits électriques, « les synapses ne présentent pas la même efficacité de communication (force synaptique) et sont extrêmement plastiques », explique David DiGregorio, responsable du laboratoire Dynamique des synapses et des circuits neuronaux à l’Institut Pasteur (CNRS – UMR3571). Cette diversité dans le flux d’informations est notamment ce qui fait de notre cerveau un ordinateur si particulier et si puissant.
À l’échelle nanométrique, l’organisation inter-protéines au niveau des synapses est indispensable à la communication des synapses chimiques entre elles
Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont étudié l’organisation structurale des protéines synaptiques et leur influence sur la force de la communication interneuronale. Les protéines du canal ionique, par exemple, constituent des arrangements spéciaux d’acides aminés qui s’incrustent dans la membrane cellulaire (dans ce cas, la membrane neuronale) et ouvrent le passage à de petits ions polaires, tels que les Ca2+ (ions calcium). Le calcium est une molécule de signalisation universelle commune à toutes les cellules. S’agissant des synapses du cerveau, il est responsable de la libération de neurotransmetteurs chimiques par les vésicules synaptiques. Les neurones liés par des synapses chimiques utilisent ainsi ces neurotransmetteurs pour communiquer entre eux. Mais la proximité entre les protéines du canal calcique et celles des vésicules synaptiques sur lesquelles les Ca2+ agissent joue un rôle critique dans la régulation de la force et de la précision de la communication. « Par conséquent, l’étude de l’organisation des protéines synaptiques à l’échelle nanométrique nous permet de décrypter le code moléculaire régulant différents types de communication synaptique », résume David DiGregorio.
La pluralité des protéines synaptiques accentue la force synaptique et la diversité de la neuromodulation
Les chercheurs soupçonnaient déjà l’importance de la distance entre les protéines synaptiques, mais ils ne disposaient, jusqu’à récemment, que de peu d’informations sur la véritable disposition topographique bidimensionnelle à l’échelle nanométrique des canaux calciques et des vésicules synaptiques et sur son lien avec la force et l’efficacité de la communication synaptique. « Nous avons alors formulé l’hypothèse que la distribution spatiale distincte de ces protéines s’expliquait par la diversité de la fonction synaptique. » Il y a peu, l’équipe de David DiGregorio a associé imagerie à fluorescence, modélisation computationnelle et microscopie électronique et notamment mis en évidence l’absence de corrélation entre le nombre de canaux calciques présynaptiques (CaV) et la force synaptique, les différences fonctionnelles s’expliquant par la pluralité des arrangements CaV-vésicules synaptiques à l’échelle nanométrique. « Pour la première fois, nous démontrons le rôle joué par la diversité de la nanotopographie bidimensionnelle des protéines synaptiques sur la force synaptique et sa modulation différentielle par des composés pharmacologiques. »
Weak Synapse : Synapse faible
Exclusion zone model : Modèle de zone d’exclusion
Neurotransmitter containing synaptic vesicle : Vésicule synaptique contenant un neurotransmetteur
Source of calcium ion flux : Source de flux d’ions calcium
Docking protein : Protéine d’amarrage
Strong Synapse : Synapse forte
Perimeter release model : Modèle de libération de périmètre
Cette étude ouvre de nouvelles pistes de recherche d’un lien entre la fonction moléculaire et les altérations du traitement des informations par le cerveau. Elle pourrait également servir de base à la compréhension de ces altérations dans les maladies de la connectivité cérébrale comme l’autisme, la schizophrénie et la dépression.
Source
Distinct Nanoscale Calcium Channel and Synaptic Vesicle Topographies Contribute to the Diversity of Synaptic Function, Neuron, 20 novembre 2019.
Nelson Rebola 1 4 5, Maria Reva 1 5, Tekla Kirizs 2, Miklos Szoboszlay 2 3, Andrea Lőrincz 2, Gael Moneron 1, Zoltan Nusser 2, David A. DiGregorio 1 6
1. Institut Pasteur, unité Imagerie dynamique du neurone, CNRS UMR 3571, Paris, France
2. Laboratoire de neurophysiologie cellulaire, Institut de médecine expérimentale, Académie hongroise des sciences, Budapest, Hongrie
3. Adresse actuelle : Mortimer B. Zuckerman Mind Brain Behavior Institute, Department of Neuroscience, Columbia University, New York, NY, États-Unis
4. Adresse actuelle : Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), Hôpital Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Universités, Inserm, CNRS, Paris 75013, France
5. Ces auteurs ont contribué à part égale.
6. Contact principal
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies de la connectivité cérébrale et maladies neurodégénératives du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.