Il y a encore 30 ans, la biologie c’était essentiellement des tubes à essai, des microscopes et des boîtes de Petri… Si maintenant elle se pratique aussi derrière des ordinateurs, c’est en partie grâce à Olivier Gascuel, pionnier de la bio-informatique, aujourd’hui directeur du centre de bioinformatique, biostatistique et biologie intégrative de l’Institut Pasteur (C3BI).
De ses années d’étudiant en mathématiques à l’ENS Cachan, Olivier Gascuel ne garde pas que des bons souvenirs. « Je n’étais pas un très bon élève. Je trouvais la discipline trop abstraite, je voulais faire des choses "utiles" ! » Après sa maîtrise, il hésite entre l’écologie et l’architecture. Finalement ce sera l’architecture, mais il entreprend dans le même temps un cursus en informatique qui débouchera sur une thèse en intelligence artificielle appliquée à la médecine, soutenue en 1981. L’année d’après c’est cependant en tant qu’architecte qu’Olivier Gascuel s’envole pour l’Afrique. « Quand je suis revenu en France en 1983 j’étais un peu perdu. Comme ma thèse avait rencontré un écho favorable, j’ai opté pour la recherche : je me suis présenté au CNRS et j’ai été reçu. Deux ans plus tard, j’ai rejoint une unité d’informatique médicale de l’Inserm. Là, au contact de chercheurs de l’Institut Pasteur, notamment Antoine Danchin, j’ai découvert la biologie moléculaire, une discipline en plein essor. C’est comme cela que j’ai contracté le virus de la bio-informatique ! »
Vous avez-dit bio-informatique ?
Au milieu des années quatre-vingts, le sujet ne passionnait pas. C’est tout juste même si le terme existait. « Nous n’avions aucun soutien et la communauté académique nous regardait d’un œil quelque peu méfiant. Quand j’ai voulu soutenir mon HDR (habilitation à diriger des recherches) en informatique on m’a conseillé de passer sous silence mes travaux en biologie ! Quant à Des Higgins, rencontré à cette période, il voyait ses travaux sur l’alignement de séquences comme un hobby… Nous étions très loin d’imaginer que son programme Clustal allait devenir un "classique" de la bio-informatique et qu’un article qu’il lui a consacré figurerait un jour dans le Top 10 des publications les plus citées de tous les temps ! »
Cap sur la phylogénie moléculaire
Tout bascule en 1990 avec le lancement du projet Génome Humain. « La France s’est mobilisée sur le sujet avec beaucoup de volontarisme et je tiens à souligner qu’Inria était aux avant-postes, grâce notamment à François Rechenmann. » Pour Olivier Gascuel les choses se précisent : intégré au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM) depuis 1987, il prend une orientation décisive vers la phylogénie moléculaire, une discipline qui s’attache à reconstruire l’histoire évolutive des espèces par comparaison des séquences d’ADN ou de protéines. « Ce domaine, qui combine composantes théoriques et applicatives, m’a permis d’aborder de nombreux sujets comme le devenir de la biodiversité ou le développement des épidémies virales… Des enjeux importants qui touchent aussi bien la science que la société, ce qui rend nos recherches d’autant plus passionnantes. Sur le versant mathématique et informatique, les arbres phylogénétiques étaient des objets nouveaux, et l’inférence d’arbres à partir de données posait de nombreux problèmes algorithmiques et statistiques dont nous avons exploré les fondements. Ces bases solides ont fait le succès de nos programmes et logiciels à venir. »
Chercher, publier, animer…
Déjà salué par une médaille d’argent du CNRS en 2009, le panorama des travaux menés par Olivier Gascuel est riche en temps forts. Ce dont il est le plus fier ? « Dans le désordre, je citerais l’élaboration avec Stéphane Guindon (CNRS-LIRMM) du programme PhyML - un logiciel de construction d’arbres phylogénétiques aujourd’hui utilisé dans des domaines aussi différents que la génomique, l’écologie ou la médecine, avec un très haut niveau de citations (plus de 20 000) – la contribution au décryptage de l’un des principaux vecteurs du paludisme, ou encore le rôle joué dans la découverte du 10e gène du VIH, qui ouvre de nouveaux horizons thérapeutiques. » Il se dit aussi très heureux d’avoir participé activement au développement, à la structuration et à la reconnaissance de la bio-informatique, que ce soit par ses publications, ses logiciels, ou à travers le lancement de nombreux congrès qui sont devenus des rendez-vous incontournables du monde de la bio-informatique (JOBIM , WABI , Mathematical and Computational Evolutionary Biology).
En mars 2015, Olivier Gascuel a pris la tête du Centre de bio-informatique, biostatistique et biologie intégrative (C3BI) de l’Institut Pasteur qui investit ce domaine avec beaucoup d’énergie, avec le recrutement d’unités de recherche et de nombreux bio-informaticiens. « J’y pilote une unité consacrée à la bio-informatique évolutive. Nos activités s’articulent autour de travaux théoriques - notamment sur les tests statistiques et la sélection de modèles en phylogénie – ainsi que sur le développement de méthodes d’épidémiologie moléculaire en particulier dans le cadre du programme H2020 Virogenesis. Plus généralement, mon objectif est de poursuivre l’interdisciplinarité entre biologie, mathématique et informatique. Le projet Investissement d’Avenir Convergences INCEPTION dont je suis porteur sera un cadre parfait pour cela ! »
Texte fourni par Inria.
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