A l’occasion de la 8e conférence sur la Pathogénèse du VIH, le Traitement et la Prévention organisée par l’International AIDS Society (IAS), le Dr Asier Saez-Cirion (Unité HIV, inflammation et persistance, Institut Pasteur) présente le premier cas mondial de rémission prolongée (12 ans) chez un enfant issu de la cohorte pédiatrique française ANRS.
Une jeune femme aujourd’hui âgée de 18 ans et demi, infectée par le VIH dès sa naissance par voie materno-fœtale, est en « rémission » virologique alors qu’elle ne prend plus de traitement antirétroviral depuis 12 ans. Suivie dans le cadre de la cohorte pédiatrique française de l’ANRS, cette jeune femme a vraisemblablement bénéficié du traitement initié peu après sa naissance, poursuivi près de 6 ans, puis stoppé. Son cas suggère qu’une rémission prolongée après un traitement précoce peut être obtenue chez un enfant infecté par le VIH depuis la naissance, comme cela a déjà été démontré chez les 20 adultes de l'étude ANRS VISCONTI.
Grâce à votre étude, pouvez-vous affirmer à quoi est due la rémission de cette jeune femme ?
Dr Asier Saez-Cirion : Notre travail apporte pour la première fois la démonstration qu’une rémission prolongée de l’infection par le VIH peut être obtenue chez un enfant infecté lors de la période périnatale après arrêt d'un traitement antirétroviral efficace instauré très tôt, au cours des premiers mois de la vie.
Nous avons prouvé que cette enfant ne présente aucun des facteurs génétiques connus pour être associés à un contrôle naturel de l’infection. Selon toute vraisemblance, c’est le fait d’avoir reçu très tôt après sa contamination une combinaison d’antirétroviraux efficace qui lui permet d’être en rémission virologique depuis aussi longtemps.
Débutés très tôt, les antirétroviraux permettraient de limiter la constitution des « réservoirs » du virus et de préserver les défenses immunitaires. Cependant, la rémission de l’infection est un phénomène qui est rare et sans doute associée à une combinaison de plusieurs facteurs, y compris peut-être des facteurs propres à l’hôte.
Quelle est la différence entre cette jeune patiente et les patients adultes inclus dans la cohorte ANRS VISCONTI ?
Dr Asier Saez-Cirion : Le cas de cette jeune femme est similaire d’un point de vue clinique, immunologique et virologique à celui des patients adultes de l’étude ANRS EP47 VISCONTI qui, après trois ans en médiane de traitement antirétroviral initié dès la phase de primo-infection (c’est-à-dire pendant les premiers mois qui suivent la contamination), présentent un contrôle virologique et immunologique de leur infection depuis 10 ans en médiane, sans avoir repris d’antirétroviraux.
Le seul cas connu jusqu’à maintenant de rémission chez les enfants, le Mississipi Baby, avait perdu le contrôle de l’infection après 24 mois et, étant donné son système immunitaire immature on ne savait pas si une rémission prolongée de l’infection serait possible chez un enfant.
Les patients de la cohorte ANRS VISCONTI et cette jeune patiente ont-ils bénéficié d’un traitement particulier ?
Dr Asier Saez-Cirion : Tous ces patients ont reçu un traitement standard comportant différentes combinaisons de molécules antirétrovirales qui ont assuré un contrôle optimal de l’infection. Il s’agit de traitements auxquels les patients ont couramment accès dans les centres cliniques. Le facteur commun entre les cas que nous étudions est que ce traitement a été initié très rapidement après l’infection.
En quoi cette découverte va-t-elle changer la prise en charge des patients atteints du sida ?
Dr Asier Saez-Cirion : Ce premier cas très documenté devrait certainement encourager d’une façon globale la mise sous antirétroviraux de tous les enfants infectés pendant la grossesse ou l’accouchement dans les semaines qui suivent leur naissance. Cependant nous ne pouvons pas encore prédire qui va bénéficier d’une rémission suite à un arrêt du traitement. Il est bien démontré qu’une infection non contrôlée suite à une interruption de traitement a des effets négatifs pour le patient. De ce fait, l’arrêt du traitement antirétroviral n’est pas recommandé, chez l’adulte comme chez l’enfant, en dehors d’essais cliniques.
En quoi le congrès de l’IAS est-il un rassemblement important pour les chercheurs travaillant sur le VIH ?
Dr Asier Saez-Cirion : Le congrès de l’IAS est le plus grand rassemblement international de personnes impliquées dans la lutte contre le sida. La particularité de ce congrès est qu’il ne concerne pas uniquement les chercheurs, mais aussi des cliniciens, des représentants de la communauté, des patients, etc qui se réunissent pour partager les derniers développements de la recherche fondamentale et clinique et la possible application de ces résultats. De plus, depuis 2010 ce congrès est précédé par le symposium de l’initiative Towards an HIV Cure, qui est devenu une référence pour les spécialistes qui travaillent sur la rémission et la guérison du VIH. Ce symposium a été créé à l’initiative de Françoise Barré-Sinoussi, chercheuse à l’Institut Pasteur, récompensée en 2008 par le Prix Nobel de Médecine pour la découverte du VIH.
Ce travail, soutenu par l'ANRS, a été mené en collaboration par des équipes de l'Institut Pasteur, de l'Inserm et de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris.
Mis à jour le 21/07/2015