Créé suite au succès de la vaccination humaine contre la rage et grâce à une souscription publique lancée par l’académie des Sciences, l’Institut Pasteur fut inauguré il y a 130 ans, le 14 novembre 1888, en présence du président de la République Sadi Carnot et de très nombreux invités. Retour sur cette journée « qui restera immortelle dans l’histoire de la médecine »*.
Une foule nombreuse se masse autour de ce que certains surnomment « Le palais de la rage », un bâtiment de 11 000 mètres carrés en briques et pierres style Louis XIII au fronton gravé : « Souscription publique 1888 ». La grille d’entrée est ornée de drapeaux tricolores. Devant l’édifice trône une statue en bronze du berger Jupille, un des premiers vaccinés contre la rage, se débattant avec un chien enragé. Autour du perron : la garde républicaine et de nombreux invités. La cérémonie est prévue dans la bibliothèque de l’Institut, convertie pour l’occasion en salle de réception, où une estrade a été installée, entourée des bustes en marbre de grands donateurs**. Une demi-heure avant la cérémonie, prévue à 13 h, la salle est bondée : 600 invités – hommes politiques, ministres, confrères, amis, collaborateurs –, s’y sont pressés, à tel point que certains disciples de Louis Pasteur ne peuvent y entrer et restent avec d’autres dans la galerie attenante.
À l’arrivée de la voiture présidentielle, la garde républicaine entonne La Marseillaise tandis que Louis Pasteur, qui était âgé de 65 ans, portant le grand-cordon de la légion d’honneur, descend l’escalier pour recevoir le président de la République Sadi Carnot. Puis les discours se succèdent, celui du Dr Grancher d’abord, qui retrace le parcours de son mentor Louis Pasteur et détaille les derniers résultats de la vaccination contre la rage. Quand vient le tour du fondateur de l’Institut, Louis Pasteur, trop ému, confie la lecture de son discours à son fils : « La voici donc bâtie, cette grande maison dont on pourrait dire qu’il n’y a pas une pierre qui ne soit le signe matériel d’une généreuse pensée. Toutes les vertus se sont cotisées pour élever cette demeure du travail. » Il précise : « Avant la pose de la première pierre, le comité de patronage de la souscription a décidé, malgré moi, que cet institut porterait mon nom. » Après les discours, le président Sadi Carnot se lève, serre la main de Pasteur. « Votre Institut est un honneur pour la France », souligne-t-il. « Toujours modeste, vous n’avez demandé de récompenses que pour vos collaborateurs. (…) Je suis heureux d’annoncer l’élévation au grade d’officier de la légion d’honneur de MM. Grancher et Duclaux. » M. Chantemesse est nommé chevalier. Les palmes d’officier d’académie sont conférées à M. Brébant, l’architecte, qui avait, tout comme feu son prédécesseur, M. Petit, abandonné ses honoraires au profit de l’Institut. En fin de cérémonie, une longue ovation est faite à Louis Pasteur qui porte à plusieurs reprises son mouchoir à ses yeux, ne pouvant dominer son émotion.
« Il y avait tellement de monde… »
Dans une lettre écrite le 17 novembre 1888 à sa mère, un des « disciples » de Louis Pasteur, le Dr Alexandre Yersin, note : « Mercredi, donc, a eu lieu la séance d’inauguration de l’Institut. J’ai vu le président de la République et plusieurs ministres. Il y avait tellement de monde que je n’ai pu trouver place dans la salle, non plus que le Dr Roux ; aussi, comme toi, je me suis contenté du compte-rendu des journaux. »
Cinq laboratoires et un service de vaccination antirabique à l’ouverture de l’Institut Pasteur
L’Institut Pasteur compte en 1888 un service de vaccination antirabique et cinq laboratoires de recherche, dirigés par de fidèles collaborateurs de Louis Pasteur : le Dr Grancher (rage), Emile Duclaux (microbie générale), Emile Roux (microbie technique), Elie Metchnikoff (microbie morphologique) et Charles Chamberland (vaccins).
* Selon le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, Monsieur Bertrand.
** Madame Boucicaut, Madame Furtado-Heine, l’empereur du Brésil Pedro II, le tsar de Russie Alexandre III, le baron Alphonse de Rothschild, le Comte de Laubespin.