Catherine Rougeot, chercheur invité de l'Institut Pasteur, a été récompensée en 2017 par l’Institut Pasteur pour son travail sur la découverte d’un analgésique non opioïde, aujourd’hui appelé STR-324. Elle a été nommée membre de la National Academy of Inventors aux Etats-Unis à l’occasion de cette récompense. Alors que l’Institut Pasteur fête les 130 ans de son inauguration cette année – le 14 novembre 2018 – revenons sur la découverte de cette molécule qui entre, ce mois-ci, dans un essai clinique de phase I.
Adhérant de la National Academy of Inventors (NAI) aux Etats-Unis, depuis 2015, l’Institut Pasteur a souhaité célébrer la curiosité, la créativité, l’innovation, l’invention et la richesse de la culture pasteurienne. Le 27 juin 2017, l’Institut a ainsi récompensé 14 de ses inventeurs qui ont été nommés membres de la NAI. L’événement a fait résonner l’esprit pionnier de Louis Pasteur et de celui des générations de chercheurs pasteuriens qui se sont succédés. Les travaux de recherche de ces 14 scientifiques mis à l’honneur ont donné lieu à plusieurs brevets américains ayant fait l’objet d’une exploitation de licences ayant un impact positif pour la société et pour l’Institut.
Catherine Rougeot, aujourd'hui chercheur invité de l'Institut Pasteur.
Je suis ravie du démarrage de cet essai clinique qui, après tout le long chemin parcouru depuis cette découverte, va conduire en finalité au développement d’un médicament susceptible d’offrir aux patients une prise en charge alternative de la douleur.
Opiorphine : c’est le nom donné en 2006 à un nouveau messager hormonal, naturellement sécrété chez l'homme, et découvert à l'Institut Pasteur. La molécule s'avère aussi puissante que la morphine alors que ses effets secondaires sont bien moindres. Catherine Rougeot rappelle que « l’aventure de la découverte de l’opiorphine a débuté par une démarche de pharmacologie intégrative inverse fondée sur la caractérisation moléculaire du produit d’un nouveau gène chez le rat – un peptide baptisé Sialorphine –, et sur l’établissement de sa remarquable spécificité fonctionnelle in vivo. » Des résultats obtenus1 dans l’unité de Génétique et biochimie du développement – Institut Pasteur/CNRS –, dirigée par François Rougeon.
Compte tenu des propriétés innovantes de la sialorphine de rat, Catherine Rougeot et son équipe (laboratoire de Pharmacologie des régulations neuro-endocrines - Institut Pasteur) ont recherché son homologue fonctionnel chez l’homme et en particulier dans les sécrétions salivaires humaines. Suivant un protocole de recherche clinique, la salive humaine a été collectée chez des volontaires sains. Des procédures chromatographiques ont permis d’extraire et d’isoler le composant salivaire majeur ayant la capacité d’inhiber l’activité de l’enzyme NEP humaine (enzyme qui détruit les enképhalines, de puissants antidouleurs endogènes). Puis, l’analyse par micro-séquençage du produit final de purification a fourni la preuve directe de l’existence chez l’homme d’un peptide, sécrété dans la salive humaine, et dont l’activité est similaire à celle de la sialorphine de rat. « De façon remarquable, il s’est avéré que l’opiorphine est un puissant inhibiteur de la sensation douloureuse, via l’activation des voies opioïdergiques endogènes, chez le rat », explique Catherine Rougeot. Opiorphine : c’est ainsi que l’équipe a baptisé la molécule aux étonnantes propriétés qu’elle a découverte chez l’homme2.
Depuis, le pouvoir antidouleur et antidépresseur de la molécule a été caractérisé, notamment dans deux articles de Journal of Physiology and Pharmacology publiés respectivement en juin 2010 et août 2010.
Depuis 2014, Catherine Rougeot, en collaboration avec des équipes de l’Institut Gustave Roussy, de l’INSERM et du groupe Stragen, a investi dans la recherche et le développement du candidat-médicament que représente l’opiorphine dans la prise en charge de la douleur3. Et, le 13 mars 2018, le groupe Stragen a annoncé l'inclusion du premier sujet dans l'essai de phase I du STR-324, l’analgésique non opioïde découvert à l'Institut Pasteur sous le nom d’opiorphine. Ce premier essai clinique chez l'homme vise à évaluer l'innocuité, la tolérance, la pharmacocinétique et l'efficacité du STR-324 chez des sujets sains. L'étude, qui devrait inclure jusqu'à 78 sujets, se déroule dans le "Centre for Human Drug Research (CHDR)" à Leiden, Pays-Bas, sous la direction du Dr. Geert Jan Groeneveld.
« Je suis ravie de cet aboutissement, après tout le long chemin parcouru depuis cette découverte, qui va conduire en finalité au développement d’un médicament susceptible d’offrir aux patients une prise en charge alternative de la douleur », déclare Catherine Rougeot.
Sources
1. C. Rougeot, et al. Sialorphin, a natural inhibitor of membrane-bound neutral endopeptidase that displays analgesic activity. PNAS, 2003.
2. A. Wisner, et al. Human Opiorphin, a Novel Anti-nociceptive Modulator of Opioid-Dependent Pathways; PNAS, Nov. 2006).
3. P. Sitbon et al. STR-324, a stable analog of opiorphin, causes analgesia in postoperative pain by activating endogenous opioid recptor-dependent pathways. Anesthesiology, 2016.