Dans un article paru dans Science, des équipes de l'Institut Pasteur et de l'université de Limoges, associées au CNRS et à l'Inserm, décryptent pour la première fois le mécanisme moléculaire par lequel les bactéries peuvent acquérir des multirésistances aux antibiotiques, et par lequel elles peuvent même adapter ces résistances à leur environnement. Cette découverte souligne les difficultés que devront prendre en compte les stratégies de santé publique face aux problèmes posés par les multirésistances.
Communiqué de presse
Paris, le 22 mai 2009
La multirésistance des bactéries aux antibiotiques est un phénomène apparu à la suite de l'utilisation de ces médicaments, dans les années 1950. On a découvert par la suite que les gènes de résistance étaient facilement capturés, disséminés et échangés d'une bactérie à l'autre par un système de "couper/coller" génétique de structures contenant ces gènes, appelées intégrons. Mais la dynamique de ces échanges, qui conditionne le développement des multirésistances chez les bactéries, restait inexpliquée.
Les travaux de chercheurs de l’Institut Pasteur associés au CNRS (unité Plasticité du génome bactérien, CNRS URA 2171) et de l’Inserm, au sein de la Faculté de médecine de Limoges (EA3175, Inserm, Equipe Avenir), en collaboration avec des équipes espagnoles, révèlent aujourd’hui pour la première fois comment les bactéries acquièrent ces propriétés de multirésistances. Ce sont en fait les antibiotiques eux-mêmes qui provoquent la synthèse de l’enzyme bactérienne qui capture les gènes de résistance et permet leur expression dans l’intégron.
Cette enzyme favorise en outre le réagencement, au hasard, des gènes de résistance au sein de l’intégron. Or, l’ordre de ces gènes dans l’intégron détermine le degré de priorité pour leur expression : les premiers sont les plus exprimés et confèrent à la bactérie les résistances correspondantes. Les derniers restent silencieux tout en étant néanmoins conservés, en réserve. Lors d’un nouveau réagencement, déclenché par la prise d’un antibiotique par exemple, ils seront susceptibles de se retrouver dans les premières positions, et d’apporter à la bactérie les résistances requises face à ce médicament. Les bactéries qui possèdent alors la bonne « combinaison » de gènes pourront survivre et assurer le maintien du potentiel de résistances au fil des générations.
Ces travaux démontrent combien les stratégies d’adaptation bactériennes face aux antibiotiques sont efficaces, aussi bien à court qu'à long terme. Ils caractérisent ainsi précisément les contraintes liées à la génétique des bactéries, que devront prendre en compte les mesures de santé publique à venir pour lutter contre le problème des multirésistances.
Source
The SOS response controls integron recombination, Science, 22 mai 2009.
Émilie Guerin(1)*, Guillaume Cambray(2)*, Neus Sanchez-Alberola(3)*, Susana Campoy(3), Ivan Erill(4), Sandra Da Re(1), Bruno Gonzalez-Zorn(5), Jordi Barbé(3), Marie-Cécile Ploy(1), Didier Mazel(2)
(1) Univ. Limoges, Faculté de Médecine, EA3175 ; Inserm, Equipe Avenir, Limoges, France
(2) Institut Pasteur, Plasticité du Génome Bactérien, CNRS URA 2171, Paris, France
(3) Departament de Genètica i Microbiologia, Universitat Autònoma de Barcelona, Spain
(4) Biomedical Applications Group, Centro Nacional de Microelectrónica (CNM-IMB,
CSIC), Barcelona, Spain.
(5) Departamento de Sanidad Animal, Facultad de Veterinaria, Universidad Complutense de Madrid, Spain.
*Contribution égale de ces auteurs.
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