Quelles sont les causes ?
La maladie de Verneuil est une maladie cutanée dans laquelle on observe une obstruction des follicules pileux associée à une prolifération anormale de bactéries commensales dans le derme, responsables chez l’hôte d’une inflammation chronique, qui tente, mais ne parvient pas à éliminer ces germes du derme, qui n’est pas leur habitat. Cette réponse inappropriée de la peau vis-à-vis de sa flore pourrait correspondre à une forme de déficit immunitaire qui reste localisé à la peau. En effet, les patients porteurs d’HS n’ont en principe pas de déficit immunitaire dans le sang ou la moelle osseuse.
Les mécanismes exacts à l’origine de la maladie ne sont pas entièrement élucidés.
Plusieurs facteurs seraient impliqués dans son développement :
- Le facteur génétique : une prédisposition familiale à la maladie est observée dans au moins 30% des cas. Cependant, avoir un parent atteint ne signifie pas nécessairement que l'on développera la maladie. On observe également certaines autres maladies dans les familles, telles que sinus pilonidal, acné sévère, mais aussi maladies inflammatoires digestives (maladie de Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique), maladies inflammatoires rhumatologiques (spondylo-arthrites, syndrome Sapho, polyarthrite), maladie de Behçet, fièvre méditerranéenne familiale, sarcoïdose.
- Les habitudes de vie : le tabagisme et le surpoids
- Les déséquilibres hormonaux et notamment le diabète
- La dérégulation du système immunitaire, qu’elle soit congénitale (génétique) ou acquise (notamment à la suite à des traitements médicamenteux qui diminuent l’immunité)
- Une prolifération anormale de bactéries dans la profondeur de la peau et de certaines muqueuses (flore commensale) a été mise en évidence dans les lésions par une équipe de Pasteur-Necker pour la 1re fois au monde en 2007 (Pr Join-Lambert, Dr Maïa Delage, Dr A Nassif, Pr Lortholary, Pr Hovnanian) et confirmée par plusieurs autres équipes internationales par la suite1,2. Cette découverte a permis de montrer que la flore retrouvée dans les lésions de Verneuil était différente selon la sévérité de la maladie2,3.
L’hypothèse actuelle proposée par l’équipe Pasteur-Necker est celle d’un déficit de l’immunité localisé à la peau, ces patients ne présentant pas d’infections systémiques. Cette hypothèse semble confortée actuellement par la présence de mutations dans des gènes de déficits immunitaires :
- Mutations présentes chez certains patients de la cohorte de patients Verneuil de l’Institut Pasteur (+ de 1600 patients Verneuil suivis depuis 2007), identifiés par le Pr Hovnanian (Imagine)4
- Mutations retrouvées aussi chez des patients de la littérature médicale5.
Grâce à ces travaux, l’équipe Pasteur-Necker a pu mettre au point une stratégie de traitement ciblée (voir plus bas) en fonction des bactéries isolées et de la sévérité, qui sont corrélées.
Il est important de noter que le manque d'hygiène corporelle n'est pas une cause de la maladie de Verneuil, contrairement à une idée reçue.
Comment se transmet la maladie ?
La maladie de Verneuil n’est pas une maladie contagieuse (les patients « s’infectent » avec leur propre flore commensale et non celle de leur entourage) et ne se transmet pas d'une personne à une autre, ni par voie aérienne, ni par voie sexuelle.
En revanche, la maladie peut se transmettre génétiquement dans environ 30% des cas.
Quels sont les symptômes ?
Les symptômes de la maladie de Verneuil varient en intensité et en fréquence selon les individus. Les manifestations les plus courantes sont :
- L'apparition de nodules douloureux, rouges et gonflés dans les zones de plis cutanés (aisselles, aines, fesses, sous les seins). La nuque, le visage, le dos et l'arrière des oreilles peuvent aussi être atteintes.
- La formation d'abcès qui peuvent se rompre et laisser s'écouler un liquide malodorant.
- Le développement de fistules, de tunnels sous la peau reliant les lésions.
- La présence de cicatrices et d'indurations cutanées dans les zones affectées.
- Des douleurs intenses, particulièrement lors des poussées inflammatoires.
- Une fatigue chronique et un mal-être général.
- Des démangeaisons et une sensation de brûlure dans les zones touchées.
La maladie évolue par poussées, avec des périodes de rémission relative selon la sévérité. Celle-ci peut varier considérablement, allant d’une forme légère à une forme sévère invalidante.
On peut classer la maladie en 3 stades selon la gravité et la sévérité des symptômes :
- Stade 1 : Abcès unique ou multiple sans fistule (70% des patients)
- Stade 2 : Abcès récidivant avec fistules et cicatrices (25% des patients)
- Stade 3 : Atteinte multiple diffuse avec des connexions entre abcès (5% des patients) sans aucun intervalle de peau saine au sein des zones atteintes.
NB : en l’absence de facteurs favorisants, ces stades sont non évolutifs (un stade 1 reste théoriquement en stade 1 toute sa vie). Un stade 3 commence tôt dans la vie et parvient d’emblée au stade 3 en quelques mois/années.
La maladie commence habituellement autour de 22-23 ans, mais elle débute plus tôt chez les stades 2 et 3.
Comment diagnostiquer la maladie ?
Le diagnostic précoce est crucial pour une prise en charge efficace et pour limiter l’extension de la maladie. Malheureusement, en raison notamment de la relative méconnaissance de la maladie par les personnels soignants et la population, le diagnostic est souvent retardé de plusieurs années après l'apparition des premiers symptômes (six à huit ans en moyenne).
Le diagnostic de la maladie de Verneuil repose principalement sur l'examen clinique et l'historique des symptômes. Un dermatologue ou un médecin expérimenté peut généralement poser le diagnostic en observant les lésions caractéristiques et leur localisation.
Les critères de diagnostic incluent :
- La présence de lésions typiques : nodules (lésion de stade I), abcès(lésion de stade I), fistules (lésion de stade II), plastron sans intervalle de peau saine dans la zone atteinte (lésion de stade III),
- Leur localisation dans les zones de prédilection : aisselles, plis de l’aine, fesses et pli anal +/- seins et nuque.
- La récurrence des lésions sur une période d'au moins six mois.
- L'exclusion d'autres pathologies cutanées voisines.
Les examens complémentaires ne sont pas nécessaires au diagnostic, mais peuvent permettre un bilan d’extension :
- Des analyses de sang, voire de selles pour évaluer l'inflammation et exclure ou dépister d'autres maladies de temps en temps associées, dont diabète, SPA, Crohn…
- Selon l’aspect et la localisation des lésions (formes fessières sévères), ainsi que la présence ou non d’une maladie inflammatoire digestive, une IRM du petit bassin peut être indiquée pour évaluer l'étendue de lésions profondes.
Quels sont les traitements ?
Les mesures générales pour limiter l’évolution de la maladie ou les poussées inflammatoires sont :
- Perte de poids, en cas de surcharge pondérale ;
- Equilibre d’un éventuel diabète ;
- Arrêt des anti-inflammatoires et des médicaments diminuant l’immunité (corticoïdes, immuno-suppresseurs)
- Prise en charge globale, incluant le stress, la douleur et la dépression ;
- Sevrage tabagique.
Des traitements existent pour contrôler les poussées et/ou obtenir une rémission (voir plus bas). Du fait de la microbiologie différente selon la sévérité, les traitements ont été adaptés à cette sévérité. L'objectif est de contrôler l'inflammation et de prévenir les récidives en améliorant ainsi la qualité de vie du patient. Les options thérapeutiques incluent :
- Traitements locaux :
- Antiseptiques et antibiotiques, d’efficacité modeste
- Traitements systémiques :
- Antibiotiques oraux en attaque pour obtenir une rémission ou en cas de rechute, puis à long terme antibiothérapie légère en entretien pour prévenir les rechutes et l’apparition de nouvelles zones
- Immunomodulateurs biologiques (comme l'adalimumab et le sécukinumab) pour les formes modérées à sévères pour diminuer de 50% les poussées chez 50% des patients
- Traitements chirurgicaux :
- Incision et drainage des abcès pour un soulagement rapide
- Excision semi-large ou large des zones atteintes dans les cas sévères pour assainir les zones contenant des biofilms (germes dormants persistant dans les cicatrices, sources de récidives potentiellement constantes)
- Les traitements chirurgicaux ne sont efficaces qu’à la condition de les combiner avec des traitements médicaux, avant la chirurgie pour l’optimiser et après la chirurgie pour prévenir les récidives après élimination des biofilms
- Autres approches :
- Laser pour certaines lésions
- Soutien psychologique pour gérer l'impact émotionnel de la maladie
- Suivi en diabétologie et/ou gastro-entérologie et/ou rhumatologie et/ou médecine interne pour les éventuelles maladies associées
Une approche multidisciplinaire, impliquant dermatologues, chirurgiens et spécialistes est souvent nécessaire pour une prise en charge optimale.
Rémission possible, dans certains cas, avec un traitement ciblé
L’équipe Pasteur-Necker a posé l’hypothèse d’un déficit de l’immunité localisé à la peau, les patients ne présentant pas d’infections systémiques (voir plus haut). Les espèces de bactéries commensales isolées dans les lésions de Verneuil sont différentes selon le stade de sévérité.
Avec une stratégie de traitement ciblée selon les bactéries isolées et la sévérité, des rémissions complètes ont été obtenues, mais celles-ci ont été suivies de rechutes en l’absence de traitement d’entretien6,7,8.
Un traitement d’entretien semble donc nécessaire chez la majorité des patients modérés et sévères. De plus, sous ce traitement d’entretien, l’équipe de Pasteur-Necker a pu observer des rechutes ne survenant que dans d’anciennes cicatrices, suggérant dès 20159 la persistance de germes dormants (aussi appelés biofilms) au sein des lésions, confirmée secondairement par plusieurs équipes de recherche10.
Ces biofilms, sur lesquels il n’existe actuellement aucun traitement médical efficace, ont alors justifié l’association des stratégies antibiotiques ciblées à une chirurgie, pour éviter le risque d’apparition de résistances et permettre une rémission durable sous traitement d’entretien.
Un essai thérapeutique portant sur la stratégie antibiotique utilisée depuis 15 ans à Pasteur-Necker pour traiter les patients atteints d’un stade II de Hurley doit démarrer très prochainement à l’Institut Pasteur.
Comment prévenir la maladie ?
Il n’existe pas de moyen de prévenir la maladie de Verneuil.
Certaines mesures peuvent aider à limiter l’évolution de la maladie et les poussées inflammatoires :
- Prendre en charge le surpoids qui est un facteur aggravant bien connu
- Eviter les prises d’anti-inflammatoires et de médicaments diminuant l’immunité, notamment chez les enfants de patients atteints, dès les premières poussées présentées, surtout dans les formes familiales.
- Éviter les irritants : choisir des vêtements amples et en fibres naturelles pour réduire les frottements et la transpiration.
- Consulter rapidement un dermatologue, en cas de symptômes suspects, pour un diagnostic et une prise en charge précoce.
Qui est touché ?
La maladie de Verneuil touche principalement les adultes jeunes, avec un pic d'incidence entre 20 et 40 ans. Certaines caractéristiques démographiques sont notables :
- Sexe : les femmes sont trois fois plus fréquemment atteintes que les hommes (c’est l’inverse en Corée et au Japon)
- Âge : la maladie débute généralement après la puberté, en moyenne autour de 22-23 ans, mais souvent plus tôt dans les formes sévères ; elle est rare après 50 ans et doit faire rechercher des facteurs favorisants (prise de poids importante, diabète, traitements médicamenteux diminuant l’immunité)
- Prédisposition génétique : environ 30-40% des patients ont des antécédents familiaux de la maladie.
- Comorbidités : Du fait que près de 80% des patients Verneuil sont en surpoids, la maladie est souvent associée à un syndrome métabolique (caractérisé par un tour de taille important, une hypertension, une hyperglycémie et un taux de cholestérol anormal). D’autre part, certaines maladies peuvent être également présentes en plus de la maladie de Verneuil : les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ou les maladies inflammatoires rhumatologiques parfois déjà présentes dans la famille (cf plus haut).
Il est important de noter que la maladie peut affecter des personnes de tous horizons, indépendamment de leur hygiène ou de leur statut socio-économique.
La prévalence exacte de la maladie de Verneuil est difficile à établir en raison du sous-diagnostic fréquent. Cependant, selon les estimations récentes :
- La prévalence mondiale est estimée entre 1 et 4% de la population adulte.
- En France, on estime qu'environ 1% de la population serait touchée, soit environ 670 000 personnes.
- Aux États-Unis, les estimations varient entre 1 et 2% de la population.
- L'incidence semble être en augmentation, possiblement due à une meilleure reconnaissance de la maladie et à l'augmentation des facteurs de risque comme l'obésité.
Il est important de noter que ces chiffres peuvent varier selon les études et les critères de diagnostic utilisés. Des efforts sont en cours pour améliorer la collecte de données épidémiologiques sur cette maladie encore mal connue.
FAQ
Peut-on mourir de la maladie de Verneuil ?
Non, on ne peut pas mourir directement de cette maladie. Toutefois, la maladie de Verneuil affecte durement la qualité de vie des patients qui peuvent développer des troubles dépressifs (allant parfois jusqu’au suicide).
La maladie de Verneuil peut-elle causer un cancer ?
Dans des cas exceptionnels, un cancer de la peau peut survenir sur des lésions très anciennes et négligées, non traitées depuis 20 à 30 ans après le début de la maladie. Une surveillance par un dermatologue est donc nécessaire pour vérifier l’évolution.
Publications scientifiques :
- Guet-Revillet et al. Bacterial pathogens are associated with Hidradenitis suppurativa. Emerg Infect Dis. 2014 Dec ; 20(12):1990-8.
- Guet-Revillet H et al. The microbiological landscape of anaerobic infections in Hidradenitis Suppurativa: a prospective metagenomic study. Clin Infect Dis 2017 Apr 1.
- Naik B et al. Skin Microbiota Perturbations Are Distinct and Disease Severity-Dependent in Hidradenitis Suppurativa. .J Invest Dermatol. 2020 Apr;140(4):922-925.e3.
- Miskinyte S et al Inborn Errors of Immunity in Hidradenitis Suppurativa: a New Lead for HS Genetics? J Clin Immunol. 2023 Dec 22;44(1):7.
- Colvin A et al. Inborn Errors of Immunity in Hidradenitis Suppurativa Pathogenesis and Disease Burden. J Clin Immunol. 2023 Aug;43(6):1040-1051.
- Join-Lambert O et al. Efficacy of rifampin-moxifloxacin-metronidazole combination therapy in hidradenitis suppurativa. Dermatology. 2011;222(1):49-58.
- Join-Lambert O et al. Efficacy of ertapenem in severe Hidradenitis Suppurativa: a pilot study in a cohort of 30 consecutive patients. J Antimicrob Chemother 2016 Feb : 71(2) :513-20.
- Delage M et al. Rifampin-moxifloxacin-metronidazole combination therapy for severe Hurley Stage 1 Hidradenitis Suppurativa: prospective short-term trial and one-year follow-up in 28 consecutive patients. J Am Acad Dermatol. 2020 Jan 10. pii: S0190-9622(20)30049-9.
- O. Join-Lambert et al. Remission of refractory PASH syndrome by targeted antibiotherapy in 4 patients. J Am Acad Dermatol. 2015 Nov;73(5 Suppl 1): S66-9.
- Ring HC et al. Bacterial biofilm in chronic lesions of hidradenitis suppurativa. Br J Dermatol. 2017 Apr;176(4):993-1000.
Sources :
La maladie | SOLIDARITE VERNEUIL (solidarite-verneuil.org)
La Maladie de Verneuil » SNFCP
Hidradenitis Suppurativa - StatPearls - NCBI Bookshelf (nih.gov)
Hidradenitis suppurativa (HS) - NHS (www.nhs.uk)
Hidradenitis suppurativa: Overview (aad.org)
Hidradenitis Suppurativa | Acne Inversa | MedlinePlus
Hidradenitis suppurativa - Symptoms and causes - Mayo Clinic
Zouboulis et al HS Europ guidelines JEADV, 2015
Population concernée | Vaincre Verneuil