Des chercheurs de l’Institut Pasteur, institut labelisé Carnot, ont développé une technologie innovante : des organes lymphoïdes sur puce capables de simuler la réponse du système immunitaire humain face aux rappels vaccinaux. Une avancée qui pourrait offrir un système pré-clinique agile pour évaluer les candidats vaccins en cas de pandémie type SARS-CoV-2 à évolution rapide.
L’équipe de Lisa Chakrabarti, cheffe de groupe au sein de l’unité Virus et Immunité de l’Institut Pasteur, a développé des organes lymphoïdes artificiels sur puce qui reproduisent fidèlement la manière dont les cellules immunitaires humaines interagissent lorsqu’elles sont exposées à un vaccin. L’article intitulé « Modeling memory B cell responses in a lymphoid organ-chip to evaluate mRNA vaccine boosting » est paru le 7 octobre 2024 dans le Journal of Experimental Medicine (JEM).
Diversité et variabilité des réponses vaccinales
Lorsque les chercheurs ont exposé des organes lymphoïdes sur puce à la protéine Spike du SARS-CoV-2, les cellules B et T sanguines se sont activées et agglutinées, comme dans les véritables organes lymphoïdes. Les lymphocytes B ont alors maturé et commencé à produire des anticorps capables de neutraliser le virus SARS-CoV-2.
La présence de nombreux autres types de cellules immunitaires dans le tissu reconstitué a permis aux organes lymphoïdes sur puce de répondre également aux vaccins à ARNm contre la COVID.
En comparant les organes lymphoïdes sur puce créées à partir d’échantillons de sang de différents donneurs, Lisa Chakrabarti et ses confrères ont observé une variété de réponses, certaines puces répondant de la même manière aux différents types de vaccins à ARNm et d’autres révélant une réponse plus forte au vaccin monovalent ou bivalent.
« Ce constat illustre la diversité des antécédents immunologiques de la population et la variabilité individuelle des réponses vaccinales qui en résulte », souligne Raphaël Jeger-Madiot, post-doctorant dans l’unité Virus et Immunité de l’Institut Pasteur et premier auteur de l’article.
« Face à cette variabilité, les organes lymphoïdes sur puce pourraient offrir un système préclinique permettant d’évaluer la capacité des candidats vaccins à induire des anticorps neutralisants contre les variants actuels du SARS-CoV-2 dans différentes populations humaines. Ce modèle pourrait constituer un atout en cas de pandémie de SARS-CoV-2 à évolution rapide », ajoute Lisa Chakrabarti.
Les« organes-sur-puce » : une technologie prometteuse et vertueuse
La réponse du système immunitaire à un vaccin est coordonnée dans les organes lymphoïdes secondaires, tels que les ganglions lymphatiques et la rate, où plusieurs types de cellules immunitaires se rassemblent et interagissent pour stimuler le développement de lymphocytes B producteurs d’anticorps spécifiques.
L’équipe de Lisa Chakrabarti a créé une version artificielle de ces organes en intégrant des échantillons de cellules sanguines humaines cultivées à haute densité dans des matrices de collagène en 3D, sur de minuscules puces microfluidiques. Ces organes lymphoïdes sur puce peuvent ensuite être exposées aux protéines ou aux ARN viraux présents dans les vaccins.
« La perfusion continue d’antigènes et de nutriments dans les puces microfluidiques facilite grandement la croissance et l’activation des cellules immunitaires », indique Samy Gobaa, responsable de la plateforme Biomatériaux et Microfluidique de l’Institut Pasteur, qui déploie la technologie d’organe sur puce développée par l’entreprise de biotechnologie Emulate® (Boston, Etats-Unis). « Cette technologie consiste à reproduire fidèlement les caractéristiques physiologiques de différents tissus ou organes sur une puce microfluidique », explique Samy Gobaa.
Utiliser les organes-sur-puce permet d’agir sur les trois leviers qui visent à limiter l’expérimentation animale, en améliorant, réduisant et remplaçant l’utilisation d’animaux en recherche dès que cela est possible (règle dite des 3R : Remplacer, Réduire, Raffiner), un engagement pour l’Institut Pasteur.
Ces travaux ont bénéficié du soutien du label Carnot. Créé en 2006, ce label attribué par le gouvernement français, vise à développer la recherche partenariale entre des laboratoires publics et des acteurs socio-économiques, principalement des entreprises (des PME aux grands groupes).
Un institut Carnot est un organisme de recherche qui place la recherche partenariale menée avec et pour l’industrie au cœur de sa stratégie. Les instituts Carnot sont reconnus tant pour leurs normes scientifiques élevées que pour leur professionnalisme et leur volonté de développer des partenariats de haute qualité.
Légende : Après exposition des organes lymphoïdes sur puce à des protéines virales, les cellules T activées (en violet) et les lymphocytes B (en bleu) s’agglutinent pour favoriser la production d’anticorps, comme ils le feraient dans de véritables organes lymphoïdes.
Crédit : © 2024 Jeger-Madiot et al. Publié à l’origine dans le Journal of Experimental Medicine. https://doi.org/10.1084/jem.20240289