Virus initialement présent chez l’animal, le mpox - responsable de la maladie du même nom - circule désormais chez l’être humain. Depuis 2022, il est à l'origine d'importantes épidémies qui se propagent en dehors des zones endémiques d’Afrique centrale et occidentale. En France en 2024, 215 cas d’infection mpox ont été signalés à Santé publique France. Pour traiter les patients infectés par le virus mpox, le tecovirimat est le médicament le plus utilisé. Malheureusement, ce médicament s’avère parfois inefficace sur certains variants du virus qui possèdent des mutations sur une enzyme. Des scientifiques de l’Institut Pasteur se sont intéressés à cette résistance, et ont pu décrire plus précisément les interactions de cette enzyme avec le tecovirimat. Ces travaux ouvrent ainsi une voie de développement vers de nouvelles options thérapeutiques antivirales. Cette étude est publiée le 12 février 2025 dans Nature Microbiology.
Devant la recrudescence des cas d’infections dues au virus mpox en République Démocratique du Congo et dans plusieurs pays voisins depuis plusieurs mois, ainsi que l’apparition d’une nouvelle souche virale possiblement plus transmissible, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré mi-août pour la seconde fois depuis 2022 qu’il s’agissait d’une urgence de santé publique de portée internationale. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) a réactualisé ses recommandations vaccinales pour les personnes les plus à risque.
La maladie mpox se présente comme une forme atténuée de la variole humaine, avec des symptômes plus faibles et un nombre de décès sur le nombre de personnes malades plus faible. La maladie débute par une phase fébrile (courbatures, céphalées, fatigue…) suivie d’éruptions cutanées sur l’ensemble du corps. En France en 2024, 215 cas d’infection mpox ont été signalés à Santé publique France1. Depuis le 1er janvier 2025, 10 cas de mpox ont été déclarés2. Utilisé en première intention, le tecovirimat est un antiviral qui a l’avantage d’être bien toléré. Il bloque la dissémination des particules virales dans l’organisme sans que l’on en connaisse vraiment le mécanisme. Par ailleurs, ce médicament s’avère parfois inefficace sur certaines souches du virus qui acquièrent une mutation de résistance. Ces résistances apparaissent indépendamment du clade du virus. En 2022 aux Etats-Unis environ 1% des patients traités au tecovirimat ont développé des résistances au médicament3.
L’unité de Biologie structurale des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur, a étudié comment le tecovirimat bloque la sortie des virus de la famille des poxvirus, dont le virus mpox, des cellules infectées. Pour cela les scientifiques ont utilisé des méthodes biochimiques et informatiques. « L’objectif était de mieux comprendre les raisons de la résistance au traitement de certains variants du virus. » indique Pablo Guardado-Calvo, responsable de l’unité de Biologie structurale des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur et dernier auteur de l’étude.
Auparavant, il avait été observé que les variants mpox résistants au traitement possèdent tous des mutations au niveau de la phospholipase F13, une enzyme clé dans la formation de l’enveloppe externe de la particule virale. L’hypothèse était donc que le tecovirimat interagit avec l’enzyme F13 pour bloquer l’infection, blocage impossible lorsque l’enzyme F13 est mutée. « Nous avons donc analysé la structure de la phospholipase F13 ce qui nous a permis de préciser les interactions entre le médicament et l’enzyme. », explique Pablo Guardado-Calvo. « Nous avons démontré que le tecovirimat agit comme une sorte de glue qui assemble deux phospholipases F13 entre elles et qui l’empêche de remplir son rôle dans la dissémination des particules virales. » poursuit-il.
Ces travaux de recherche fondamentale ont ainsi permis d’expliquer le mode d’action du médicament et de comprendre pourquoi les variants portant ces mutations rendent le traitement antiviral inefficace. « Il reste encore beaucoup de points mystérieux dans l’action du tecovirimat mais notre étude permet de franchir une première étape. Cette compréhension est essentielle pour le développement de nouvelles approches thérapeutiques, efficaces quelles que soient les souches de mpox. » conclut Pablo Guardado-Calvo. Tirant parti de ces données structurelles, les chercheurs de l’Institut Pasteur viennent de débuter des travaux pour développer de nouveaux antiviraux.
[2] www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-transmissibles-de-l-animal-a-l-homme/mpox/documents/bulletin-national/cas-de-mpox-en-france.-1er-janvier-4-fevrier-2025
[3] Tecovirimat Resistance in Mpox Patients, United States, 2022–2023, CDC - https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/29/12/23-1146_article
Sources
Structural insights into tecovirimat antiviral activity and poxvirus resistance.
Nature Microbiology, 12 février 2025
Riccardo Vernuccio1, Alejandro Martínez León2, Chetan S. Poojari2, Julian Buchrieser3, Christopher Selverian4, Yakin Jaleta4, Annalisa Meola1, Florence Guivel-Benhassine2, Françoise Porrot2, Ahmed Haouz5, Maelenn Chevreuil6, Bertrand Raynal6, Jason Mercer7, Etienne Simon-Loriere8, Kartik Chandran4, Olivier Schwartz3, Jochen S. Hub2, Pablo Guardado-Calvo1*
(1) G5 Structural Biology of Infectious Diseases, Institut Pasteur, Université Paris Cité, Paris, France
(2) Theoretical Physics and Center for Biophysics, Saarland University, 66123, Saarbrücken, Germany
(3) Virus & Immunity Unit, Institut Pasteur, Université Paris Cité, CNRS, UMR 3569, Paris, France
(4) Department of Microbiology and Immunology, Albert Einstein College of Medicine, Bronx, NY, USA
(5) Cristallography Platform-C2RT, UMR3528, Institut Pasteur, CNRS, Université de Paris, Paris, France
(6) Plate-forme de Biophysique Moleculaire-C2RT, Institut Pasteur, CNRS UMR 3528, Université Paris Cité, Paris, France
(7) Institute of Microbiology and Infection, School of Biosciences, University of Birmingham, Birmingham, UK
(8) G5 Evolutionary Genomics of RNA Viruses, Institut Pasteur, Université Paris Cité, Paris, France
*Corresponding author.