Depuis le 12 avril 2024 et jusqu’au 16 février 2025, le musée des Confluences présente « Épidémies, prendre soin du vivant », une exposition qui donne à voir les épidémies comme un phénomène biologique mais également social. Rencontre avec Mathilde Gallay-Keller, anthropologue et cheffe de projet sur cette exposition.
L’exposition revient sur une histoire partagée entre humains, animaux et micro-organismes : celle des épidémies, déterminants majeurs de nos sociétés.
Mathilde Gallay-KellerAnthropologue et cheffe de projet de l'exposition
Pouvez-vous présenter l’exposition et son contenu ?
Mathilde Gallay-Keller : « Épidémies, prendre soin du vivant » se présente comme une enquête historique sur plusieurs grandes épidémies qui ont bouleversé la vie des populations sur différents continents, depuis le Néolithique jusqu’à nos jours : peste, variole choléra, grippe de 1918, sida… L’exposition soutient aussi que raconter l’histoire des épidémies, c’est engager l’ensemble du vivant : humains, animaux, micro-organismes…
Comment est née l’idée de l’exposition ?
M. G-K. : Notre directrice, Hélène Lafont-Couturier, a découvert en 2018 l’exposition Outbreak: Epidemics in a Connected World au National Museum of Natural History (Washington DC). Elle a souhaité s’en inspirer – et ce bien avant la Covid-19. Ce projet dédié aux épidémies avait du sens, ici à Lyon, territoire d’excellence pour la recherche et la prévention des épidémies, des Hospices Civils au Laboratoire P4 Jean Mérieux en passant par le Centre international de recherche sur le cancer.
Quel a été le défi majeur pour la construction de l’exposition ?
M. G-K. : Sans conteste, ce fut de soutenir la rigueur scientifique nécessaire à l’approche d’un tel sujet, dans sa dimension historique. Renseigner certains objets techniques de la médecine romaine du 2e siècle ou de la microbiologie au 19e siècle dans leurs usages est aussi un challenge, ô combien passionnant.
À quoi les visiteurs peuvent s’attendre en termes d’expérience de visite ?
M. G-K. : La scénographie s’inspire de l’univers des laboratoires, avec une dimension ludique apportée par des microscopes accessibles aux publics, ou encore des boîtes de Pétri présentant des microorganismes vivants, en culture. Des éclairages surdimensionnés en forme de fioles, béchers et tubes à essai éclairent les collections avec des couleurs pastel, pour évoquer le soin. Des dispositifs interactifs, sonores ou audiovisuels, ponctuent également le parcours sur le mode de l’enquête. L’exposition présente plus d’une centaine d’objets et de documents en lien avec l’histoire et la science des épidémies.
Comment le musée des Confluences a-t-il pu réunir une telle quantité d’œuvres ?
M. G-K. : Le musée des Confluences a fait de la mixité des collections sa marque de fabrique. Dans l’exposition, des collections ethnographiques, de sciences et techniques ou encore d’art contemporain sont mises en regard. Pour ce faire, nous avons puisé dans nos collections ; nous présentons également des œuvres venues de nombreuses institutions françaises, anglaises ou suisses.
L’Institut Pasteur figure parmi les prêteurs majeurs pour l’exposition. Pouvez-vous nous parler des objets issus des collections du musée Pasteur et des archives de l'Institut Pasteur ? Comment avez-vous pris connaissance de patrimoine ?
M. G-K. : Ma rencontre avec Archives et archivistes de l’Institut Pasteur a été déterminante. J’ai également pris connaissance du patrimoine du musée Pasteur lors de ma thèse. Comment des pasteuriens comme Émile Roux ou Jean Comandon parviennent-il à obtenir des clichés d’insectes vecteurs de maladies, ou encore à filmer les microbes en action, dès la fin du 19e siècle ? Les réponses à ces questions se trouvent dans les Archives et le musée de l’Institut Pasteur, ainsi que dans notre exposition au musée des Confluences. Nous présentons en effet un remarquable appareil photomicrographique conçu par Émile Roux, ou encore un micromanipulateur créé par Pierre de Fonbrune – ce dernier permettant d’intervenir sur des préparations microscopiques à l’aide de micro-outils, à l’« âge de verre » de l’Institut Pasteur. L’histoire des sciences et celle des relations des humains aux microbes peut s’écrire à partir de tels appareils.
En quoi cette exposition sur les épidémies est-elle nécessaire quatre ans après la pandémie de Covid-19 ?
M. G-K. : L’exposition permet de comprendre que la récente pandémie fait partie d’une série de maladies infectieuses, dont la fréquence et la propension à devenir pandémiques ces dernières décennies nous alertent sur l’exploitation massive des écosystèmes par les communautés humaines. Face aux impasses de la déforestation, de l’élevage intensif et de la standardisation à outrance du vivant, l’approche « One Health », expliquée en dernière partie de l’exposition, correspond à un modèle plus soutenable en santé publique que celui de l’éradication des maladies infectieuses. C’est en pensant ensemble santé humaine, santé animale et santé environnementale, et donc en prenant soin de l’ensemble du vivant, que nous pourrons anticiper et endiguer au mieux les prochaines épidémies.
Si vous deviez résumer l’exposition en quelques mots, quels seraient-ils ?
M. G-K. : L’exposition revient sur une histoire partagée entre humains, animaux et micro-organismes : celle des épidémies, déterminants majeurs de nos sociétés.
L'Institut Pasteur, partenaire de l’exposition
Pour réaliser l’exposition du musée des Confluences, l’Institut Pasteur a prêté 40 œuvres et objets scientifiques issus des collections du musée et du service des archives.
Entre autres, deux instruments d’exception sont présentés.
- L’appareil microphotographique, aussi appelé « banc optique », est une création du docteur Emile Roux (1853 – 1933) permettant de prendre des clichés précis du monde microbien, et marque les débuts de la photographie scientifique en remplacement du dessin.
- Le micromanipulateur pneumatique, inventé par Pierre de Fonbrune (1901 – 1963), atténue les vibrations naturelles de la main lors de la manipulation d’échantillons microscopiques.
Réservez dès à présent vos billets sur la billetterie en ligne, accessible sur le site du musée des Confluences. L’exposition ouvre ses portes aux familles, visiteurs seuls et groupes scolaires du mardi au dimanche de 10h30 à 18h30, en nocturne jusqu’à 22h tous les premiers jeudis du mois et du lundi à dimanche de 10h30 à 18h30 en période de vacances scolaires zone A (sauf pendant les vacances d’été).