Dans une étude récemment publiée, des chercheurs de l’Institut Pasteur et de ses partenaires ont analysé le génome de plus de 700 souches de la bactérie Escherichia coli afin de comprendre comment les souches résistantes aux antibiotiques se disséminent et évaluer les risques qu’elles représentent.
La résistance aux antibiotiques est un enjeu de santé publique majeure dans la lutte contre les maladies infectieuses. Ainsi, l’Institut Pasteur a fait de la recherche sur la résistance aux agents antimicrobiens un axe scientifique principal de son plan stratégique 2019-2023. Dans une étude récemment publiée dans la revue mSystems, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont analysé la résistance de la bactérie Escherichia coli à une classe d’antibiotiques, les carbapénèmes, en fonction de la phylogénie et de la résistance à d’autres antibiotiques. Cette publication a été réalisée en collaboration avec l’APHP - hôpital Bicêtre, l’Université Paris-Saclay, le CNRS, l’Inserm, et Sorbonne Université.
Les carbapénèmes sont des antibiotiques de dernier recours utilisés principalement contre les bacilles dits à Gram négatif, comme E. coli et sa famille, les entérobactéries, et multirésistants. La fréquence des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes a beaucoup augmenté au cours des dernières années, et le développement de nouveaux antibiotiques pour faire face à ces pathogènes est considéré comme une priorité urgente par l’OMS. E. coli est à la fois un modèle pour la recherche et une des bactéries les plus fréquemment responsables d’infection.
Trois grandes catégories de souches résistantes
La résistance aux carbapénèmes est due à la production d’une enzyme capable de les dégrader, la carbapénèmase. Elle représente la principale inquiétude, due aux capacités des souches d’E. coli à se disséminer à l’hôpital et dans les structures de soin, mais aussi potentiellement en population générale. Au cours de ce travail, les scientifiques ont séquencé, en collaboration avec la plateforme Biomics de l’Institut Pasteur, le génome de plus de 700 souches d’E. coli productrices de carbapénèmases et collectées par le laboratoire du centre national de référence de la résistance aux antibiotiques de l’hôpital Bicêtre. Une analyse bio-informatique approfondie de ces génomes a permis de classer les souches résistantes d’E. coli en trois catégories et de faire des hypothèses quant à leur impact en santé publique :
- Des souches multirésistantes portant de nombreux gènes de résistance en plus de celui de la carbapénèmase, et des mutations qui contribuent également à leur résistance à différents antibiotiques. Ces souches ont une capacité à se propager et sont à considérer comme des clones à risque qui doivent être surveillés en priorité.
- Un lignage dominant de souches résistantes qui se sont également disséminées. Dans ce lignage, le gène de la carbapénèmase est intégré dans le chromosome de manière stable, contrairement à d’autres souches qui le portent dans un plasmide, une portion d’ADN supplémentaire non nécessaire à la survie des bactéries. Cela contribue ainsi à leur dissémination et à une réduction du coût que représente le plasmide pour E. coli. Ces souches sont considérées également comme ayant un pouvoir de pathogénicité élevé.
- Des souches multisensibles qui semblent avoir acquis récemment le plasmide portant le gène de la carbapénèmase à partir d’une autre bactérie. Ces souches ne constituent pas un risque en termes thérapeutiques puisqu’elles sont sensibles à de nombreux antibiotiques, mais pourraient contribuer à la dissémination des gènes de carbapénèmase.
Finalement les souches d’E. coli d’un lignage à risque ayant un haut pouvoir pathogène et étant souvent responsables d’infections sont rares parmi les souches analysées. Une observation plutôt rassurante. De manière générale, ce travail permet de mieux évaluer le risque associé aux souches d’E. coli productrices de carbapénèmases et pourrait aider à optimiser une stratégie de surveillance.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source :
Specificities and Commonalities of Carbapenemase-Producing Escherichia coli Isolated in France from 2012 to 2015, mSystems, 11 janvier 2022
Rafael Patiño-Navarretea,b, Isabelle Rosinski-Chupina,b, Nicolas Cabanela,b, Pengdbamba Dieudonné Zongoa,b,c, Mélanie Hérya,d, Saoussen Oueslatia,d, Delphine Girlicha,d, Laurent Dorteta,d,e,f, Rémy A. Bonnina,d,f, Thierry Naasa,d,e,f, Philippe Glasera,b
a - Unité EERA, Institut Pasteur, APHP, Université Paris Saclay, Paris, France
b - UMR3525, CNRS, Université de Paris, Paris, France
c - Sorbonne Université, Paris, France
d - Team “Resist” INSERM U1184 “Immunology of Viral, Auto-Immune, Hematological and Bacterial diseases (IMVA-HB)”
e - Department of Bacteriology-Hygiene, Bicêtre Hospital, APHP, Le Kremlin-Bicêtre, France
f - Associated French National Reference Center for Antibiotic Resistance, Le Kremlin-Bicêtre, France