Notre microbiote permet aussi de lutter contre les infections, mais peut être touché lors de la prise d’un traitement antibiotique. Une étude qui modélise les populations microbiennes et leur réaction face aux médicaments donne des pistes pour mieux comprendre et mieux lutter contre l’antibiorésistance.
La résistance aux antibiotiques représente un enjeu de santé publique majeur et une menace de plus en plus importante. En plus de développer de nouveaux médicaments efficaces contre les bactéries résistantes et multirésistantes, la recherche s’oriente également vers d’autres techniques de soin et de prévention afin de contourner les phénomènes de résistance. À l’Institut Pasteur, les chercheurs en épidémiologie David Smith, Laura Temime et Lulla Opatowski se sont intéressés au rôle que peut jouer notre microbiote dans la dissémination des bactéries résistantes.
Rappelons que le microbiote désigne l’ensemble des microorganismes qui vivent dans et sur de notre corps, en interaction avec lui. Bien que notre connaissance des fonctions qu’il remplit pour notre santé soit encore partielle, il est très probable qu’une bactérie infectieuse se retrouve en compétition avec les autres bactéries du microbiote. Lors d’une prise d’antibiotiques, les « bonnes » bactéries sensibles au médicament sont éliminées, laissant le champ libre au pathogène, si celui-ci est plus résistant. Ce dernier se trouve alors dans des conditions favorables pour se développer puis se disperser, en raison d’un accès aux ressources facilité.
C’est ce processus que décrit l’étude, qui a utilisé des modélisations mathématiques pour mieux comprendre l’évolution des populations bactériennes face aux antimicrobiens. « Grâce à nos modèles, nous avons étudié la concurrence entre ces bactéries résistantes et le microbiote présent dans l’organisme », explique David Smith, de l’unité Épidémiologie & modélisation de la résistance aux antimicrobiens de l'Institut Pasteur. En analysant l’impact de la consommation d’antibiotiques sur ce microbiote et en l’extrapolant au risque épidémique au niveau de la population, les chercheurs ont pu analyser le rôle positif joué par les antibiotiques, qui peuvent éliminer les infections bactériennes, mais également l’impact négatif en fonction de la sensibilité du microbiote dans son ensemble aux antibiotiques. Le microbiote participerait donc à maintenir l’état de santé, mais pourrait aussi représenter un levier dans la lutte contre des bactéries résistantes aux traitements médicamenteux.
Face à ce constat, les chercheurs évaluent des stratégies visant à lutter contre la résistance aux agents antimicrobiens dans les hôpitaux. Évidemment, continuer à réduire l’utilisation massive d’antibiotiques, mais aussi mieux les utiliser et aider le microbiote à se rétablir suite à leur emploi, avec des traitements adaptés. Ces actions couplées représentent une voie possible pour contrer la dissémination des souches bactériennes de plus en plus résistantes qui sont peu à peu sélectionnées à force d’utilisation des antibiotiques, et qui présentent des mutations à même d’empêcher le médicament d’agir.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Microbiome-pathogen interactions drive epidemiological dynamics of antibiotic resistance: a modelling study applied to nosocomial pathogen control, eLife, 14 septembre 2021
David R. M. Smith1,2,3, Laura Temime3,4, Lulla Opatowski1,2
1. Institut Pasteur, Epidemiology and Modelling of Antibiotic Evasion (EMEA), Paris, France
2. Université Paris-Saclay, UVSQ, Inserm, CESP, Anti-infective evasion and pharmacoepidemiology team, Montigny-Le-Bretonneux, France
3. Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires (MESuRS), Conservatoire national des arts et métiers, Paris, France
4. PACRI unit, Institut Pasteur, Conservatoire national des arts et métiers, Paris, France