Une équipe de l’Institut Pasteur, à Paris, en collaboration avec des chercheurs d’Espagne, a repéré le virus Toscana dans des échantillons prélevés sur des patients au sud de l’Espagne. Ce virus est responsable d'encéphalites restées non élucidées jusqu’alors. La présence de ce virus dans les échantillons remet en cause l’idée qu’il était rare en région méditerranéenne. Grâce à cette découverte, les médecins peuvent envisager une meilleure approche diagnostique, face à des personnes touchées par une encéphalite.
L’encéphalite humaine est une inflammation aiguë du cerveau associée à des dysfonctionnements neurologiques. Elle est souvent d’origine infectieuse mais la cause reste inconnue dans plus d’un tiers des cas. Toute identification d’un pathogène responsable d’encéphalite constitue un nouvel élément pour améliorer le diagnostic et donc la prise en charge médicale des patients. L’enjeu de santé publique est considérable car les personnes touchées sont systématiquement hospitalisées, le taux de mortalité demeure élevé et les patients qui survivent peuvent garder des conséquences neurologiques à long terme, alors que dans d’autres cas, les patients pourraient récupérer en ambulatoire, libérant des places précieuses dans les services de réanimation.
Le virus Toscana circule dans le sud de l’Espagne
En collaboration avec l’équipe du Dr Lola Fernandez-Garcia, le groupe Génomique évolutive des virus à ARN, dirigée par Etienne Simon-Lorière à l’Institut Pasteur a tenté de découvrir la cause d’encéphalites qui restaient non élucidées au Sud de l’Espagne : « Il est malheureusement fréquent, pour des syndromes de type encéphalites ou méningites, de ne pas arriver à en déterminer la cause », explique Etienne Simon-Lorière.
L’équipe a donc utilisé le séquençage métagénomique. « Cette technique permet de ‘scanner’ l’ensemble des acides nucléiques (correspondant aux génomes ou leurs dérivés) présents à un moment donné dans un environnement. Nous avons ici analysé des échantillons de liquide céphalo-rachidien prélevés sur des patients du sud de l’Espagne. Les données obtenues ont permis d’identifier l’ensemble des micro-organismes présents. Et c’est comme cela que nous avons repéré le virus Toscana. »
Aider à mieux diagnostiquer les patients souffrant d’encéphalites dans cette région
Au-delà de faire la démonstration de l’utilité du séquençage métagénomique (ou mNGS), cette découverte de l’Institut Pasteur permet de réfléchir à revisiter l’approche diagnostique.
En effet, le virus Toscana est transmis par des phlébotomes, des petits insectes responsables de la transmission de divers pathogènes (dont celui de la Leishmaniose par exemple). Concernant les encéphalites dues au virus Toscana, un diagnostic « classique » existe déjà. Les médecins ont l’habitude de le tester sur des personnes se rappelant avoir été piquées récemment par des insectes. Mais son usage semble limité possiblement par manque de sensibilisation des personnels de santé.
De plus, « tester uniquement les personnes ayant le souvenir d’une piqûre d’insecte n’est clairement pas suffisant, surtout lorsqu’on souffre d’une encéphalite, et donc pas au mieux de ses fonctions cérébrales » souligne Etienne Simon-Lorière. Le processus de diagnostic pourrait donc être revisité.
L’approche utilisée par l’Institut Pasteur dans cette étude représente le futur, mais « il reste encore des questions de coût et de temps de rendu de résultat pour que cela soit utilisable en routine à l’hôpital ».
Une augmentation de la circulation et détection de virus transmis par des vecteurs en Europe
Dans ces travaux, l’équipe d’Etienne Simon-Lorière a également développé un outil pour aider au séquençage de ce type de virus sur des échantillons avec peu de matériel ou dégradé. « Cela nous a permis de découvrir un virus Toscana dit réassortant, c’est-à-dire qui a échangé un morceau de son genome avec un virus Toscana d’autre lignage. C’est une forme de recombinaison classique chez les virus segmentés, mais jamais encore décrit pour le virus Toscana. » Voilà une preuve indirecte que ces virus circulent plus activement qu’on ne le pensait dans certains pays de la Méditerranée.
Cette découverte est une nouvelle preuve de l’augmentation de la circulation de virus transmis par des vecteurs (moustiques, tiques, phlébotomes) en Europe, en lien avec le dérèglement climatique, et fait écho au potentiel de technologies qui existaient déjà mais qui ont été encore améliorées par la pandémie de Covid-19 pour la détection et la surveillance de pathogènes.
Rappelons qu’en 2020, l’Institut Pasteur identifiait, en France cette fois-ci, un nouveau virus (appelé Umbre), infectant les neurones du cortex cérébral.
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Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
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Source
Untargeted metagenomic sequencing identifies Toscana virus in patients with idiopathic meningitis, southern Spain, 2015 to 2019 , Eurosurveillance, 9 novembre 2023.