En 1983, le VIH (le virus du sida) est isolé par des virologues de l’Institut Pasteur. Ce nouveau virus, totalement inconnu, suscite alors craintes et rejets des personnes infectées. Mais tandis que les connaissances scientifiques progressent au fil des décennies, que l’on sait par exemple qu’un virus indétectable dans le sang ne peut être transmis, les idées reçues sur le VIH perdurent. Notamment chez les jeunes, comme le souligne Jennifer Pasquier, directrice scientifique chez Sidaction.
Cette interview est la troisième d’une série consacrée aux témoignages de représentants d’associations de patients, à l’occasion de la célébration des 40 ans de l’identification du virus. |
12 à 17 % des 15-24 ans pensent toujours que l’on peut contracter le virus en s’embrassant, en buvant dans le même verre d’eau qu’une personne vivant avec le VIH, voire même par simple contact avec la transpiration.
Jennifer PasquierDirectrice scientifique chez Sidaction
Qu’est-ce qui a changé, en 40 ans, dans la lutte contre le VIH ?
Jennifer Pasquier : Il y a eu beaucoup de changements en 40 ans, on a appris beaucoup de choses notamment grâce à la science et à la recherche. Mais malheureusement, surtout chez les jeunes, il y a encore une grande méconnaissance du virus.
Un sondage Ifop, réalisé en mars 2023 pour le Sidaction1, a révélé par exemple que 12 à 17 % des 15-24 ans pensent toujours que l’on peut contracter le virus en s’embrassant, en buvant dans le même verre d’eau qu’une personne vivant avec le VIH, voire même par simple contact avec sa transpiration. Ce sont des pourcentages inquiétants, d’autant que ces idées reçues existent aussi chez les moins jeunes. Autre chiffre alarmant : 1 jeune sur 2 ne sait pas où aller se faire dépister.
Donc force est de constater qu’il y a besoin d’informer les gens et qu’il y a un vrai décalage entre les progrès de la science, ce que l’on sait du virus d’une part, et ce que savent les gens de l’autre.
Qu’est-ce que la recherche a changé ? Quelles découvertes ont été déterminantes ?
J. P. : La recherche, qui est un peu au centre de la lutte, a changé beaucoup de choses. Elle a sauvé la vie de beaucoup de monde, et elle permet aujourd’hui à de nombreuses personnes qui vivent avec le VIH d’avoir une vie « normale » grâce notamment aux traitements.
Pour moi l’évènement marquant, c’est justement l’apparition des antirétroviraux, les fameux ARV, dans les années 1990. Ils permettent aux personnes sous traitement efficace de vivre avec un virus qui ne se réplique pas, qui est donc indétectable dans le sang et ne se transmet plus.
Vous avez apporté une cassette VHS. Quelle est son histoire ?
J. P. : C’est la cassette du concert The Freddy Mercury Tribute qui a eu lieu le 20 avril 1992, après le décès de Freddy Mercury. Pour la petite anecdote, mon papa est un grand fan de Queen, et j’ai grandi au son des musiques de Freddy Mercury. Au moment de ce concert – qui a été organisé pour lever des fonds – j’avais une dizaine d’années. C’était la première fois que j’entendais parler du sida et de la recherche contre le sida.
Ce concert à un peu conditionné mon avenir, puisque 30 ans après ce concert, je suis directrice scientifique au Sidaction. Ça m’a donné envie d’en savoir plus sur le virus et d’aller dans cette voie de la recherche.
Quel message voulez-vous adresser aux chercheurs, à la société ?
J. P. : Le message que j’aimerais faire passer aux chercheurs, c’est merci ! Merci pour tout l’engagement qu’ils ont eu au cours de ces quarante dernières années, et qu’ils vont continuer à avoir parce que la lutte n’est pas terminée, qu’on a encore besoin de nouveaux traitements et surtout de vaccins préventif et curatif pour se débarrasser de ce virus.
Et plus largement à de la société, j’aimerais faire passer un message d’empathie, d’action et d’éducation. « Education » car il faut s’informer sur le virus, le sida… et « Action » car il faut arrêter de stigmatiser, de discriminer les personnes vivant avec le VIH. Enfin j’aimerais donner un message d’espoir pour que l’on aille vers un monde où plus personne n’ait à souffrir de ce virus.