Une étude internationale incluant des chercheurs de l’Institut Pasteur présente les résultats d’un essai clinique de phase I pour un vaccin contre la fièvre de Lassa.
L’arénavirus Lassa provoque des fièvres hémorragiques et touche durement de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, faisant chaque année entre 5000 et 6000 morts. Face à cette situation, il est urgent de trouver des traitements et se préparer à de potentielles épidémies. Une étude internationale incluant des chercheurs de l’Institut Pasteur présente les résultats d’un essai clinique de phase I pour un vaccin contre la fièvre de Lassa.
Des candidats vaccins pour répondre à une menace épidémique
La fièvre de Lassa est une maladie zoonotique dont le réservoir est le rat du Natal, un rongeur vivant à proximité des populations humaines et dont les déjections peuvent transmettre le virus. « C’est une maladie endémique des régions où vit cet animal, explique Sylvain Baize, responsable de l’unité Biologie des infections virales émergentes de l’Institut Pasteur, unité hébergée au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI, CNRS/École normale supérieure de Lyon/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1). Le virus y circule de manière quasi-permanente, surtout au Nigeria, pays le plus touché mais aussi le plus peuplé d’Afrique. En tout, on estime que 160 à 180 millions de personne sont potentiellement à risque. » Face à la forte mortalité et au peu de médicaments efficaces disponibles, la vaccination représente la stratégie de santé publique la plus prometteuse.
Deux publications sorties en mars 2023 dans des revues internationales (Nature Communications et The Lancet) présentent les travaux de chercheurs de l’Institut Pasteur pour développer un vaccin contre la fièvre de Lassa, en particulier les résultats du premier essai clinique mené chez l’être humain.
Un vaccin à l’action rapide et sans effets secondaires notables
En 2019, l’équipe de Sylvain Baize met au point deux candidats-vaccins contre cette maladie, basés sur des virus vivants atténués modifiés pour exprimer des antigènes du virus Lassa. Le premier candidat vaccin, développé à partir du virus de la rougeole, est sélectionné pour un essai clinique, grâce notamment à un financement de la part de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI).
Pour en savoir plus, lire l’article de 2019 : Fièvre de Lassa : un vaccin bientôt à l’essai
L’article publié dans Nature communications fait état des résultats de l’étude pré-clinique, tandis que les résultats des essais menés chez l’humain ont été publiés dans The Lancet. Il s’agissait alors du premier essai de phase I à être réalisé sur un candidat-vaccin contre la fièvre de Lassa.
« Dans l’étude pré-clinique, nous voulions savoir si le vaccin produit une immunité rapidement après l’avoir administré, ce qui est important lorsqu’il faut réagir à une épidémie qui se déclare », développe le chercheur. Cela complète la protection à long terme qui avait été observée dans une étude de 2021. L’autre publication visait quant à elle à démontrer, sur un faible nombre de participants, l’innocuité du vaccin, pour être sûr qu’il sera bien toléré et ne déclenchera pas d’effets secondaires importants.
Si les résultats de l’étude pré-clinique et de l’essai clinique de phase I sont encourageants, la recherche se poursuit, notamment pour confirmer l’efficacité du candidat-vaccin. L’équipe de Sylvain Baize mène également des recherches sur un autre candidat vaccin, basé sur un virus nommé Mopeia, un virus proche du virus Lassa mais qui n’est pas pathogène pour l’homme.
Pour en savoir plus, lire l’article : Mise au point dun vaccin pentavalent contre les Arénavirus du nouveau monde
Sources
Rapid protection induced by a single-shot Lassa vaccine in male cynomolgus monkeys, Nature Communications, 11 mars 2023
Mathieu Mateo1,2, Stéphanie Reynard1,2, Natalia Pietrosemoli3, Emeline Perthame3, Alexandra Journeaux1,2, Kodie Noy1,2, Clara Germain1,2, Xavier Carnec1,2, Caroline Picard 1,2, Virginie Borges-Cardoso1,2, Jimmy Hortion1,2, Hélène Lopez-Maestre3, Pierrick Regnard4, Lyne Fellmann4, Audrey Vallve5, Stéphane Barron5, Ophélie Jourjon5, Orianne Lacroix5, Aurélie Duthey5, Manon Dirheimer6, Maïlys Daniau7, Catherine Legras-Lachuer7, Caroline Carbonnelle5, Hervé Raoul 5, Frédéric Tangy8, Sylvain Baize1,2
1 - Unité de Biologie des Infections Virales Emergentes, Institut Pasteur, 69007 Lyon, France
2 - Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI), Université de Lyon, INSERM U1111, Ecole Normale Supérieure de Lyon, Université Lyon 1, CNRS UMR5308, 69007 Lyon, France
3 - Institut Pasteur, Université Paris Cité, Bioinformatics and Biostatistics Hub, Paris, France
4 - SILABE, Université de Strasbourg, fort Foch, Niederhausbergen, France
5 - Laboratoire P4 INSERM – Jean Mérieux, INSERM US003, 69007 Lyon, France
6 - INSERM, Délégation Régionale Auvergne Rhône-Alpes, 69500 Bron, France. 7 Viroscan 3D SAS, Trévoux, France
8 - Vaccine Innovation Laboratory, Institut Pasteur, 75015 Paris, France.
Immunogenicity, safety, and tolerability of a recombinant measles-vectored Lassa fever vaccine: a randomised, placebo-controlled, first-in-human trial, The Lancet, 16 mars 2023
Roland Tschismarov1, Pierre Van Damme2, Clara Germain3,4, Ilse De Coster2, Mathieu Mateo3,4, Stephanie Reynard3,4, Alexandra Journeaux3,4, Yvonne Tomberger1, Kanchanamala Withanage2, Denise Haslwanter1, Katherine Terler1, Sabrina Schrauf1, Matthias Müllner1, Erich Tauber1, Katrin Ramsauer1, Sylvain Baize3,4
1 - Themis Bioscience, Vienna, Austria, a subsidiary of Merck & Co, Rahway, NJ, USA
2 - Center for the Evaluation of Vaccination, Vaccine and Infectious Disease Institute, University of Antwerp, Antwerp, Belgium
3 - Unité de Biologie des Infections Virales Emergentes, Institut Pasteur, Lyon, France;
4 - Centre International de Recherche en Infectiologie, Université de Lyon, Inserm, U1111, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, UMR5308, ENS de Lyon, Lyon, France