Des modélisations ont évalué le recours à un antiviral et à la vaccination pour sortir de la stratégie Zéro-Covid à Wallis-et-Futuna

Communiqué de presse
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Jusqu’en juin 2022, les îles Wallis-et-Futuna, une collectivité d’Outre-Mer française, ont appliqué avec succès une stratégie Zéro-COVID limitant considérablement le nombre de personnes infectées par le SARS-CoV-2. A partir de mi-juin 2022, la réouverture progressive des frontières a été planifiée. L’immunité relativement faible dans la population (couverture vaccinale et nombre de personnes antérieurement infectées limités) et la prévalence élevée de comorbidités (70 % des adultes sont obèses et 15 % diabétiques) faisait cependant craindre une reprise épidémique avec un impact sanitaire important. Dans ce contexte, pour conseiller les autorités de santé, les scientifiques de l’Institut Pasteur, du CNRS et d’Université Paris Cité ont développé des modèles mathématiques permettant d’anticiper comment cette vague épidémique pourrait être atténuée en renforçant la vaccination et en utilisant l’antiviral Paxlovid®. Ces résultats, témoins de l’utilité des modélisations dans la gestion de l’épidémie COVID-19, ont été publiés dans la revue The Lancet Regional Health – Western Pacific le 14 novembre 2022.

Dans cette étude réalisée en collaboration avec l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, les scientifiques de l’unité de Modélisation mathématique des maladies infectieuses (Institut Pasteur / CNRS unité Génomique évolutive, modélisation et santé / Université Paris Cité), dirigée par Simon Cauchemez, ont considéré deux types de mesures pharmaceutiques : l’utilisation du Paxlovid® (nirmatrelvir/ritonavir), un antiviral ayant prouvé son efficacité pour réduire le risque d’hospitalisation chez les personnes à risque de formes graves, et le renforcement de la couverture vaccinale. Du fait de la particularité géographique de Wallis-et-Futuna, le niveau de transmission du virus était incertain dans cette région. Les modélisateurs ont donc pris en compte trois niveaux d’intensité de transmission du SARS-CoV-2 : basse (R0=3), moyenne (R0=5) (scénario correspondant à la croissance épidémique observée en France métropolitaine lors de la première vague Omicron en décembre 2021) et haute (R0=7). Le nombre de reproduction de base R0 décrit ici le nombre moyen de personnes infectées par un cas, dans un scénario où il n’y a pas d’immunité dans la population, mais où des mesures de contrôle non pharmaceutique, comme le port du masque, pourraient réduire la transmission. Enfin, la population a été divisée en trois groupes selon la nature de leurs comorbidités correspondant à un risque supplémentaire d’hospitalisation.

Les chercheurs ont estimé que l’épidémie débuterait entre 13 et 20 jours après la réouverture des frontières. En l’absence de mesure pharmaceutique, le nombre de patients nécessitant une hospitalisation était estimé entre 115 et 156 dans le scénario de transmissibilité moyenne (R0=5) et entre 68 et 100 dans le scénario de transmissibilité basse (R0=3). Le traitement avec Paxlovid® de 50% des cas de plus de 65 ans avec comorbidité et des plus de 40 ans avec des comorbidités importantes pourrait réduire le nombre d’hospitalisations de 11 % à 21 % selon l’efficacité du traitement (50 % à 90 %). Ce scénario nécessiterait de traiter entre 403 et 481 patients. Une amélioration de la couverture vaccinale en doses de rappel pourrait réduire le nombre d’hospitalisations de 15 %. La réduction de la charge hospitalière serait encore plus importante en combinant l’utilisation du Paxlovid® et le renforcement de la couverture vaccinale. Le modèle a également montré qu’en élargissant la population cible pour le traitement avec Paxlovid®, il était possible d’obtenir des réductions plus importantes du nombre de personnes nécessitant une hospitalisation.

Comme attendu, après la réouverture des frontières, une épidémie de COVID-19 a eu lieu dans les îles durant les mois de juillet-août 2022, permettant aux chercheurs de comparer leurs projections aux données observées. Le démarrage de l’épidémie a eu lieu 17 jours après la fin de la stratégie Zéro-COVID, en adéquation avec les projections du modèle (13-20 jours). La dynamique de l’épidémie s’est révélée proche de celle dans le scénario le plus optimiste avec une intensité de transmission basse (R0=3). Un bon accord entre le modèle et les observations a été constaté concernant la dynamique des cas, des admissions à l’hôpital et du nombre de patients traités avec le Paxlovid®. En revanche, le modèle a surestimé le nombre de lits nécessaires au pic de l’épidémie car la durée d'hospitalisation observée à Wallis-et-Futuna était plus courte (4 jours) que celle du modèle (11 jours) qui se basait sur les données de France métropolitaine.

« Ce modèle a été utile pour aider les autorités à planifier la fin du Zéro-COVID à Wallis-et-Futuna. Il a également permis de quantifier comment l’utilisation du traitement Paxlovid® pourrait diminuer l’impact de la vague épidémique attendue à la sortie du Zéro-COVID, dans un contexte où la prévalence des comorbidités est élevée, » conclut Simon Cauchemez, responsable de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur.


Source

Modelling the end of a Zero-COVID strategy using nirmatrelvir/ritonavir, vaccination and NPIs in Wallis and Futuna, The Lancet Regional Health – Western Pacific, 14 novembre 2022

Antoine Braulta, Cécile Tran-Kiema,b, Clément Couteauxc, Valérie Oliéd, Juliette Paireaua,d, Yazdan Yazdanpanahe, JadeGhosne, Guillaume Martin-Blondelf, Paolo Bosettia,g, Simon Cauchemeza,g,*

a Mathematical Modelling of Infectious Diseases Unit, Institut Pasteur, Université Paris Cité, CNRS UMR 2000, Paris, France

b Collège doctoral, Sorbonne Université, Paris, France

c Agence de Santé de Wallis-et-Futuna, France

d Santé publique France, France

e Infections Antimicrobials Modelling Evolution (IAME), INSERM UMR 1137, Université Paris Cité, Paris, France

f Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, CHU de Toulouse, Institut Toulousain des Maladies Infectieuses et Inflammatoires (Infinity), INSERM UMR 1291 - CNRS UMR 5051 - Université Toulouse III, France

g Equal senior contribution

*Corresponding author

 


 

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