Le paludisme est encore un fléau dans certaines régions du monde. En 2018, 237 000 cas furent rapportés au Brésil. 91,5 % de ces cas étaient dus au parasite Plasmodium vivax. Un nouveau médicament contre le paludisme, la tafénoquine a été récemment approuvé par plusieurs agences du médicament pour le traitement de P. vivax. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, en partenariat avec l'Institut Fiocruz de Rio de Janeiro, au Brésil, ont modélisé l’effet de l’introduction de ce nouveau médicament.
Un défi majeur dans la lutte contre le paludisme à P. vivax est la fréquence de rechute des infections au stade hépatique. Ces rechutes peuvent prolonger l'infection pendant plusieurs mois, voire des années, après l'infection initiale et contribuent à la transmission. Le traitement actuel pour prévenir ses rechutes, la primaquine, fait face à un manque d’adhérence au traitement qui limite son efficacité. La tafénoquine offre une alternative grâce à sa prise en une seule dose.
Un test pour limiter les effets secondaires
Comme la primaquine, la tafénoquine est susceptible de provoquer une hémolyse chez les personnes présentant un déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PDd), ou favisme. D’origine génétique, ce déficit est relativement fréquent en Afrique et dans certaines ethnies au sein de la population brésilienne, habitant les zones d’endémie du paludisme. De nouveaux diagnostics permettant d'identifier les patients déficients en G6PD ont été récemment mis au point pour la prise en charge des patients. Le Brésil sera le premier pays endémique à introduire la tafénoquine avec le test G6PDd. Cela permettra d’augmenter l’adhérence au traitement.
Une réduction prévue de l’incidence de 38 % dans les cinq premières années
« L’évaluation de l'impact de l’introduction de ce médicament sur la santé publique est un défi complexe. En effet, l'amélioration probable de l’adhérence au traitement, les critères d'éligibilité variables et les profils de transmission hétérogènes sont autant de critères à prendre en compte » expliquent Narimane Nekkab et Michael White, des Unités Malaria : parasites et hôtes et Epidémiologie et analyse des maladies infectieuses. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l'Institut Fiocruz de Rio de Janeiro ont utilisé une approche de modélisation mathématique basée sur les données réelles pour étudier ces dynamiques complexes afin de prédire l'impact dans les années à venir. Ils ont estimé que le nouveau régime de traitement pourrait améliorer de 20 % l’élimination des parasites, ce qui entraînerait une réduction de 38 % de l'incidence clinique au cours des cinq premières années d'introduction.
Si l’introduction du médicament ne permettra pas à elle seule l’élimination du parasite, ces résultats permettent de confirmer son intérêt pour permettre une forte réduction des cas. Le diagnostic G6PDd en parallèle de l’administration du médicament est nécessaire à ce succès.
Ces travaux ont pu être réalisés grâce au financement de Medicines for Malaria Ventures
Source :
Estimated impact of tafenoquine for Plasmodium vivax control and elimination in Brazil: A modelling study, PLoS Med, 23 avril 2021.
https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1003535
Narimane Nekkab1, Raquel Lana2, Marcus Lacerda3,4, Thomas Obadia1, Andre´ Siqueira5, Wuelton Monteiro3,6, Daniel Villela2, Ivo Mueller1,7,8, Michael White1
1 Malaria: Parasites and Hosts, Department of Parasites and Insect Vectors, Institut Pasteur, Paris, France,
2 Programa de Computação Cientifica, Fundação Oswaldo Cruz, Rio de Janeiro, Brazil,
3 Diretoria de Ensino e Pesquisa, Fundação de Medicina Tropical Dr. Heitor Vieira Dourado, Manaus, Brazil,
4 InstitutoLeônidas e Maria Deane, Fundação Oswaldo Cruz, Manaus, Brazil,
5 Instituto Nacional de Infectologia Evandro Chagas, Fundação Oswaldo Cruz, Rio de Janeiro, Brazil,
6 School of Health Sciences, Universidade do Estado do Amazonas, Manaus, Brazil,
7 Population Health & Immunity Division, Walter and Eliza Hall Institute of Medical Research, Parkville, Victoria, Australia,
8 Department of Medical Biology, University of Melbourne, Melbourne, Victoria, Australia
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.