Les variants B.1.1.7 et B.1.351 du SARS-CoV-2 ont été détectés pour la première fois respectivement au Royaume-Uni et en Afrique du Sud et ont depuis diffusé dans de nombreux autres pays. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec le CHR d’Orléans, le CHRU de Tours, le CHI de Créteil, le CHU de Strasbourg et l’Hôpital Européen Georges Pompidou, ont étudié la sensibilité de ces deux variants aux anticorps neutralisants présents dans les sérums de personnes précédemment infectées par le SARS-CoV-2 ou vaccinées. Ils ont comparé cette sensibilité avec celle du virus de référence circulant majoritairement en France (appelé D614G). Les chercheurs ont montré que le variant anglais est neutralisé de façon presque identique au virus de référence. Le variant sud-africain est, quant à lui, moins sensible aux anticorps neutralisants. Des concentrations six fois plus élevées d’anticorps sont nécessaires pour neutraliser le variant sud-africain par rapport à la souche de référence D614G. Cette différence de sensibilité est aussi observée chez les personnes vaccinées, les anticorps présents dans leurs sérums sont efficaces sur le variant anglais mais moins efficaces face au variant sud-africain. Ces résultats ont été publiés dans Nature Medicine le 26 mars 2021.
Le 14 décembre 2020, les autorités britanniques signalaient à l’OMS la détection d’un variant (B.1.1.7) dans le sud-est de l’Angleterre. En quelques semaines, ce variant supplantait les souches virales circulant dans cette région ainsi que dans la ville de Londres. Le 18 décembre 2020, les autorités d’Afrique du Sud déclaraient la détection d’un variant (B.1.351) se propageant rapidement dans trois provinces d’Afrique du Sud. Selon le bulletin épidémiologique du 14 février de l’OMS, le variant anglais et le variant sud-africain sont désormais présents respectivement dans 94 et 48 pays. Ces deux variants sont considérés comme des variants d’intérêt et font l’objet d’une surveillance épidémiologique nationale et internationale.
Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec le CHR d’Orléans, le CHRU de Tours, le CHI de Créteil, le CHU de Strasbourg et l’Hôpital Européen Georges Pompidou, ont étudié la sensibilité des variants anglais et sud-africain aux anticorps par rapport à la souche de référence circulant en France (appelée D614G). L’objectif de cette étude est de caractériser la capacité des anticorps développés par les personnes ayant été précédemment infectées par le SARS-CoV-2 ou ayant été vaccinées, à neutraliser ces nouveaux variants.
Les chercheurs ont isolé les variants B.1.1.7 et B.1.351 du SARS-CoV-2 à partir d’échantillons1 fournis par le Centre National de Référence des virus des infections respiratoires hébergé à l’Institut Pasteur. Les sérums2 de personnes ayant été exposées précédemment au SARS-CoV-2 ou ayant été vaccinées, ont été utilisés pour étudier la sensibilité des variants aux anticorps présents dans ces sérums.
« Jusqu'à présent, l'efficacité de la neutralisation a été principalement évaluée à l'aide de tests avec des pseudovirus. Nous pensons qu'il est crucial d'utiliser des souches virales infectieuses authentiques, en plus des pseudovirus, pour évaluer la sensibilité virale aux anticorps neutralisants. Ici, nous avons isolé et utilisé les souches authentiques B.1.1.7 et B.1.351 et établi un nouveau test de neutralisation rapide et semi-automatisé, basé sur des cellules « indicatrices » qui deviennent fluorescentes après quelques heures d’infection » précise Olivier Schwartz, co-principal auteur de l’étude et directeur de l’unité Virus et Immunité à l’Institut Pasteur.
Les résultats de l’étude montrent que le variant anglais (B.1.1.7) a été neutralisé par 95% (79 sur 83) des sérums de personnes ayant été infectées par le SARS-CoV-2, recueillis jusqu'à neuf mois après l’apparition des symptômes. Les mêmes proportions sont observées pour la souche D614G circulant majoritairement en France depuis de début de l’épidémie. Par ailleurs, il n’y a pas de différence significative de concentration d’anticorps nécessaire pour neutraliser les souches D614G ou B.1.1.7.
En revanche, les chercheurs ont observé une perte d'activité neutralisante contre le variant sud-africain dans 40% des sérums d’individus exposés au virus, pour les sérums prélevés à neuf mois après la primo-infection. Ils ont également montré que des concentrations environ six fois plus importantes d’anticorps étaient nécessaires pour neutraliser le variant sud-africain (B.1.351) par rapport à la souche D614G.
« Nous montrons que les variants à propagation plus rapide, et en particulier le variant sud-africain, ont acquis une résistance partielle aux anticorps produits après une infection naturelle. Cette perte d’efficacité est surtout visible chez les individus avec de faibles niveaux d'anticorps » commente Olivier Schwartz.
Les équipes de recherche se sont également intéressées aux sérums d’individus vaccinés avec un des premiers vaccins utilisés en France (COMIRNATY™ Pfizer-BioNTech). Les vaccinés ont été étudiés de deux à quatre semaines après la première injection du vaccin. Les résultats révèlent qu’après deux semaines, le sérum est neutralisant uniquement contre la souche D614G, alors que la souche B.1.1.7 commence à être neutralisée à partir de la troisième semaine, mais de manière moins efficace que la souche de référence. La réponse anti-B.1.351 a été négative jusqu'à la troisième semaine et est devenu détectable à partir de la quatrième semaine.
Quatre semaines après la première injection du vaccin, ce qui correspond à une semaine après la seconde injection, les sérums d’individus vaccinés sont presque aussi efficaces contre le variant anglais que contre le virus de référence (D614G) mais restent moins efficaces contre le variant sud-africain. En effet, 80% des sérums sont neutralisants pour D614G et B.1.1.7, et 60% des sérums sont neutralisants pour le variant B.1.351.
« Le vaccin a généré une réponse neutralisante ciblant efficacement les souches D614G et B.1.1.7, même s’il y a eu un retard dans l’apparition d'anticorps neutralisants contre B.1.1.7. L’efficacité des anticorps neutralisants pour la souche B.1.351 est plus faible » expliquent Sylvie van der Werf responsable du Centre National de Référence des virus des infections respiratoires de l’Institut Pasteur et Thierry Prazuck chef de service Maladies Infectieuses au CHR d’Orléans, principaux co-auteurs de l’étude.
Les chercheurs ont par ailleurs analysé la présence d’anticorps neutralisants dans les prélèvements nasaux des personnes vaccinées. Ils n’ont pas observé d’activité neutralisante chez ces personnes au niveau des muqueuses nasales, sauf chez les individus qui avaient été infectés par le SARS-CoV-2 avant la vaccination. Cela suggère que la vaccination n’induit pas de production d’anticorps neutralisants au niveau des muqueuses nasales, du moins à un temps précoce après la vaccination (quatre semaines après la première injection).
[1] L’échantillon de la souche B.1.1.7 provenait d'un patient à Tours revenant du Royaume-Uni et l’échantillon de la souche B.1.1.351 provenait d'un patient à Créteil.
[2] Les sérums proviennent d’une cohorte de la ville d’Orléans et d’une cohorte de l’hôpital universitaire de Strasbourg. Les sérums des personnes ayant été infectées par le SARS-CoV-2 ont été prélevés à trois mois, six mois, et neuf mois après l’infection. Les sérums des personnes vaccinées ont été prélevés à deux semaines, trois semaines et quatre semaines après la première injection. La seconde injection du vaccin a eu lieu entre la troisième et quatrième semaine.
Source
Sensitivity of infectious SARS-CoV-2 B.1.1.7 and B.1.351 variants to neutralizing antibodies, Nature Medicine, 26 mars 2021
Delphine Planas1*, Timothée Bruel1*, Ludivine Grzelak1,2, Florence Guivel-Benhassine1, Isabelle Staropoli1, Françoise Porrot1, Cyril Planchais3, Julian Buchrieser1, Maaran Michael Rajah1,2, Elodie Bishop1,2, Mélanie Albert4,5, Flora Donati4,5, Sylvie Behillil4,5, Vincent Enouf4,5, Marianne Maquart6, Maria Gonzalez7, Jérôme De Sèze8, Hélène Péré9, David Veyer9,10, Aymeric Sève11, Etienne Simon- Lorière12, Samira Fafi-Kremer13,14, Karl Stefic6,15, Hugo Mouquet3, Laurent Hocqueloux11, Sylvie van der Werf4,5**, Thierry Prazuck11** & Olivier Schwartz1 **
1 Virus & Immunity Unit, Department of Virology, Institut Pasteur, Paris, France ; CNRS UMR 3569, Paris, France; Vaccine Research Institute, Creteil, France
2Université de Paris, Sorbonne Paris Cité, Paris, France
3Laboratory of Humoral Immunology, Department of Immunology, Institut Pasteur, INSERM U1222, Paris, France
4Molecular Genetics of RNA Viruses, Department of Virology, Institut Pasteur CNRS UMR 3569; Université de Paris, Paris, France
5National Reference Center for Respiratory Viruses, Institut Pasteur, Paris, France
6INSERM U1259, Université de Tours, Tours, France
7CHU de Strasbourg, Service de Pathologie Professionnelle et Médecine du Travail, Strasbourg, France
8Centre d’investigation Clinique INSERM 1434, CHU Strasbourg, France; CHU de Strasbourg, Service de Neurologie, Strasbourg, France
9INSERM, Functional Genomics of Solid Tumors (FunGeST), Centre de Recherche des Cordeliers, Université de Paris and Sorbonne Université, Paris, France
10Hôpital Européen Georges Pompidou, Service de Virologie, Paris, France
11CHR d’Orléans, service de maladies infectieuses, Orléans, France
12G5 Evolutionary Genomics of RNA Viruses, Institut Pasteur, Paris, France
13CHU de Strasbourg, Laboratoire de Virologie, Strasbourg, France
14Université de Strasbourg, INSERM, IRM UMR_S 1109, Strasbourg, France
15CHRU de Tours, National Reference Center for HIV-Associated laboratory, Tours, France
*: co-premiers auteurs
**: co-derniers auteurs