L’hépatite B est une infection virale qui peut être mortelle. La plupart des formes chroniques sont due à la transmission de la mère à l’enfant. Pour éviter ces transmissions, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souhaité ajouter des recommandations aux lignes directrices déjà existantes. Pour déterminer ces recommandations, le soin de réaliser deux revues systématiques a été confié à Yusuke Shimakawa, expert de l’Institut Pasteur (Paris). Il a coordonné ce travail, avec l’aide de l’OMS, en formant une équipe qui inclut deux autres chercheurs pasteuriens (Anna L. Funk et Pauline Boucheron) ainsi que les collaborateurs en Chine et au Japon.
L’hépatite B, un fléau de santé mondiale
L’hépatite B est une infection virale qui peut prendre une forme aiguë ou chronique (lire la fiche maladie de l’Institut Pasteur sur les hépatites virales). Cette maladie est la cause de nombreux décès, en particulier en Afrique subsaharienne. L’OMS estime qu’en 2015, elle touchait 257 millions de personnes dans le monde, et que 900 000 personnes sont mortes de cirrhoses ou carcinomes hépatocellulaire (cancer du foie) liés à une infection chronique au VHB (virus de l’hépatite B). Or, la majorité des porteurs chroniques du virus de l’hépatite B atteints d’une maladie du foie sont infectés par leur mère au moment de la naissance.
La stratégie recommandée par l’OMS jusqu’en 2020
L’OMS a développé une stratégie en 2016 pour éliminer la menace pour la santé publique que représente l’hépatite B d’ici à 2030. Pour cela, Il est recommandé d’administrer à tous les nouveaux nés trois doses de vaccins contre le VHB, dont la première dans les 24 heures qui suivent la naissance. Il est également recommandé de tester toutes les femmes enceintes pour l’antigène de surface du virus de l’hépatite B (AgHBs). De plus, dans certains pays développés qui ont les moyens, les enfants nés des mères positives au virus de l’hépatite B sont soumis à une immunoprophylaxie passive grâce à l’immunoglobuline contre l’hépatite B (HBIG), qui coûte cher.
Une méta-analyse réalisée par des chercheurs de l’Institut Pasteur pour de nouvelles recommandations
Cependant, pour les femmes ayant une virémie importante, l’immunoprophylaxie néonatale avec une dose de vaccin et l’HBIG ne suffit pas toujours à empêcher la transmission de la mère à l’enfant. L’OMS a donc chargé des experts internationaux de réaliser une revue systématique de six bases de données (4 en anglais et 2 en chinois) et une méta-analyse de nombreuses études identifiées par cette revue pour déterminer :
- à partir de quel niveau de charge virale il y a un risque de transmission de la mère à l’enfant malgré l’immunoprophylaxie néonatale ;
- au lieu de quantifier la charge virale par un test moléculaire qui est coûteux et peu accessible dans un pays aux ressources limitées, la détection de l’antigène e de l’hépatite B (AgHBe) chez les femmes enceintes infectées est valide pour identifier celles qui ont un risque élevé de transmission à leurs enfants ;
- l’efficacité et la sécurité de thérapies antivirales administrées à la mère pendant sa grossesse.
Le chercheur Yusuke Shimakawa, expert au sein de l’unité d’Épidémiologie des maladies émergentes* de l’Institut Pasteur (Paris) a coordonné ce travail, avec l’aide de l’OMS, en formant une équipe qui inclut deux chercheurs dans cette unité (Anna L. Funk et Pauline Boucheron) ainsi que les collaborateurs en Chine et au Japon. Cette unité est impliquée également dans le programme de recherche NeoVac. Ce programme, lancé en 2015, en partenariat avec les Instituts Pasteur de Dakar et de Madagascar et le Laboratoire mixte international de vaccinologie (LAMIVAC) au Burkina Faso, cherche à déterminer quelles stratégies ou pratiques permettraient d’améliorer la couverture vaccinale contre l’hépatite B à la naissance.
Les résultats de ces méta-analyses ont été publiés dans le Lancet infection diseases. A partir de ces résultats, il a été déterminé qu’il y a un risque de transmission du VHB malgré l’immunoprophylaxie néonatale, avec une dose de vaccin et HBIG, au-delà d’une quantité d’ADN viral de 200 000 UI/ml, et que l’antiviral tenofovir disoproxil fumarate est le plus efficace pour éviter la transmission de la mère à l’enfant chez des femmes enceintes présentant des hautes charges virales. Cet antiviral ne constitue pas un risque pour la santé de la mère ni de l’enfant. De plus, l’AgHBe, comme un marqueur alternatif au test d’ADN viral, a une bonne sensibilité et spécificité d’identifier les femmes enceintes qui ont la virémie au-dessus du seuil de 200 000 UI/ml.
L’OMS a donc publié en juillet 2020 de nouvelles lignes directrices recommandant, en plus des mesures citées dans le paragraphe précédent, d’administrer du tenofovir disoproxil fumarate aux femmes enceintes présentant une quantité d’ADN de VHB plus de 200 000 UI/ml. Et dans un contexte où les femmes enceintes n’ont pas l’accès au test d’ADN de VHB, l’AgHBe peut être utilisé comme un marqueur pour déterminer l’éligibilité au traitement antiviral pendant leurs grossesses.
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Sources
(1) Efficacy and safety of antiviral prophylaxis during pregnancy to prevent mother-to-child transmission of hepatitis B virus: a systematic review and meta-analysis, The Lancet infection diseases, 14 août 2020.
Anna L Funk, Ying Lu, Kyoko Yoshida, Tianshuo Zhao, Pauline Boucheron, Judith van Holten, Roger Chou, Marc Bulterys, Yusuke Shimakawa
Unité d’Épidémiologie des Maladies Émergentes, Institut Pasteur, Paris, France (A L Funk PhD, P Boucheron MD, Y Shimakawa MD); Department of Pediatrics, Cumming School of Medicine, University of Calgary, Calgary, AB, Canada (A L Funk); Global Hepatitis Programme, World Health Organization, Geneva, Switzerland (Y Lu PhD, J van Holten PhD, M Bulterys MD); Faculty of Medicine, Tokyo Medical and Dental University, Tokyo, Japan (K Yoshida); School of Public Health, Peking University, Beijing, China (T Zhao MSc); Department of Medicine and Department of Medical Informatics and Clinical Epidemiology, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA (Prof R Chou MD); and US Centers for Disease Control and Prevention, Nairobi, Kenya (M Bulterys)
(2) Accuracy of HBeAg to identify pregnant women at risk of transmitting hepatitis B virus to their neonates: a systematic review and meta-analysis, The Lancet infection diseases, 14 Août 2020. Pauline Boucheron, Ying Lu, Kyoko Yoshida, Tianshuo Zhao, Anna L Funk, Françoise Lunel-Fabiani, Alice Guingané, Edouard Tuaillon, Judith van Holten, Roger Chou, Marc Bulterys, Yusuke Shimakawa
Unité d’Épidémiologie des Maladies Émergentes, Institut Pasteur, Paris, France (P Boucheron MD, A L Funk PhD, Y Shimakawa MD); Global Hepatitis Programme, World Health Organization, Geneva, Switzerland (Y Lu PhD, J van Holten PhD, M Bulterys MD); Faculty of Medicine, Tokyo Medical and Dental University, Tokyo, Japan (K Yoshida); School of Public Health, Peking University, Beijing, China (T Zhao MSc); Department of Pediatrics, Cumming School of Medicine, University of Calgary, Calgary, AB, Canada (A L Funk); Laboratoire de Virologie, Centre Hospitalier Universitaire d’Angers, Angers, France (Prof F Lunel-Fabiani MD); Département d’Hépatogastroentérologie, Centre Hospitalier Universitaire Yalgado Ouédraogo, Ouagadougou, Burkina Faso (A Guingané MD); Département de Bactériologie-Virologie, Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier, Montpellier, France (E Tuaillon MD); Oregon Health & Science University, Portland, OR, USA (Prof R Chou MD); and US Centers for Disease Control and Prevention, Nairobi, Kenya (M Bulterys)