Une vaste consultation est organisée en amont de la révision de la loi de bioéthique. Ces Etats généraux de la bioéthique constituent par bien des aspects une véritable rencontre entre les citoyens et le monde de la recherche, car tout le monde est appelé à s’informer, donner son avis, du citoyen néophyte aux experts. Et de tenter répondre à cette question : « Quel monde voulons-nous pour demain ? » Une question large et essentielle que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a choisi de placer au cœur des Etats généraux. Le Professeur Jean-François Delfraissy, président du CCNE, chargé par la loi de l’organisation de ces états généraux, nous explique en quelques mots les tenants et les aboutissants de cette vaste consultation qui s’achèvera le 30 avril.
Qu’est-ce que les Etats généraux de la bioéthique et pourquoi les organiser maintenant ?
La première loi de bioéthique date de 1994 et part du constat suivant : les progrès scientifiques et technologiques réalisés dans le champ de la santé et des sciences de la vie sont, à notre époque, tels qu’un encadrement juridique des pratiques est désormais nécessaire pour prévenir un certain nombre de dérives. C’est précisément tout le projet de la bioéthique, qui anime le CCNE depuis plus de trois décennies maintenant, que de réfléchir à ces découvertes scientifiques, leurs applications et leur impact sur la société et plus largement sur l’être humain et son environnement.
Cette loi, déjà révisée une première fois en 2004, a été remise au programme des débats parlementaires en 2011. Cette dernière révision était un peu particulière, parce qu’elle a abordé la question de la révision de la loi elle-même. En effet, à partir de 2011, il est inscrit dans la loi que cette révision devra être menée tous les sept ans maximum, et que, en guise de phase préparatoire, un débat public devra être organisé par le CCNE sous la forme d’Etats généraux.
Le CCNE est donc tenu – et en même temps ravi, car c’est un moment d’une grande richesse intellectuelle pour le Comité ! – d’organiser ces Etats généraux, vaste consultation citoyenne, en préalable de la révision de la loi prévue à la fin de l’année par les pouvoirs publics.
De quoi va-t-on parler précisément ?
Les Etats généraux de la bioéthique se sont donnés pour tâche de faire porter le débat sur des sujets variés, pour une part issus des progrès scientifiques et technologiques ayant eu lieu ces dernières années : c’est le cas de l’intelligence artificielle, de la recherche en génétique, des rapports entre santé et environnement ou encore de la question des données de santé. Certains domaines étaient déjà au cœur de la précédente loi de bioéthique, comme la question du don et de la transplantation d’organes, ou encore les recherches sur l’embryon ; d’autres n’ont pas encore de législation spécifique à l’instar des neurosciences.
D’autres thèmes sont moins directement liés aux découvertes scientifiques, en tout cas ces découvertes ne sont pas récentes, mais sont tout de même au cœur des débats car ils rentrent en résonnance avec les évolutions de la société, de ses opinions, de ses attentes. Les questionnements éthiques posés par l’Assistance de Médicalisée à la Procréation (AMP) et par la fin de vie sont ainsi à l’ordre du jour. Ce sont donc de très nombreuses questions qui sont abordées lors de ces Etats généraux.
Beaucoup de ces thèmes concernent la recherche biomédicale, avec des entrées très variées.
En effet, la génétique rentre par exemple dans le débat par des différents biais, que ce soit par la question des diagnostics pré-conceptionnels, du clonage, de l’usage des ciseaux moléculaires ou encore de la production d’organismes génétiquement modifiés et leurs conséquences sur l’environnement… Et il en va de même avec l’embryologie, les neurosciences ou encore les données de santé. Ces dernières sont aujourd’hui une source sans commune mesure pour la recherche mais cela suscite dans le même temps d’importantes questions éthiques sur les modalités de leur recueil et de leur traitement.
Quels sont les débats autour du développement des neurosciences, par exemple ?
Il s’agit notamment de la question de la gestion des données obtenues suite à l’interprétation d’imageries cérébrales sur les plans comportementaux, juridiques, et sociaux : comment s’assurer par exemple du respect de la liberté et de la vie privée d’un patient dont on dispose d’un grand nombre de données de santé ? Comment articuler progrès des connaissances et des recherches avec respect des principes fondamentaux qui protègent la dignité d’une vie humaine ?
Ce sont des enjeux éthiques fréquents en science ?
Nous retrouvons en effet ces enjeux éthiques autour de sujets relatifs à la recherche en génétique et génomique. Devons-nous autoriser ou non la création d’embryons transgéniques dédiés à la recherche ? L’embryon doit-il bénéficier d’un statut particulier ? Quelles limites et selon quels principes devons-nous – ou pas - opposer au désir de faire progresser la recherche en médecine, des principes ou des valeurs ayant trait à la liberté, la dignité, l’égalité des êtres ?
La question de la modification génétique du vivant se pose pour ses applications à l’environnement ?
Il faut à la fois prendre en compte le potentiel scientifique de telles applications ainsi que les dangers ou limites qu’elles peuvent représenter/engendrer pour, ensuite, construire le socle d’une réflexion collective impliquant la société civile sur notre rapport aux écosystèmes et autres vivants.
Qui peut participer aux Etats généraux et comment ?
Tout le monde ! Du citoyen néophyte aux experts, tout le monde est appelé à s’informer, donner son avis et, surtout, dialoguer avec les uns et les autres jusqu’à la fin avril. C’est un moment essentiel pour notre démocratie sanitaire, et c’est pourquoi la consultation prend plusieurs formes : les citoyens peuvent s’informer et participer en ligne, sur le site web dédié, et en région, au cours des nombreuses manifestations organisées par les Espaces de réflexion éthique régionaux. Les experts, réunis en sociétés savantes, ainsi que les associations, sont également entendus par des membres du CCNE au cours d’auditions. Tous les avis comptent et je crois sincèrement que l’on a beaucoup à gagner à écouter tout le monde, et, surtout, à favoriser les échanges entre la société et le monde de la recherche, qu’elle soit scientifique, juridique ou encore philosophique.
Que va faire le CCNE de toutes ces contributions ?
Le Comité consultatif national d’éthique a pour charge à la fois de coordonner l’ensemble de la consultation : en ligne, en région, par le biais d’auditions… mais aussi de produire, dans le courant du mois de juin, un rapport de synthèse qui s’appuiera sur l’ensemble des arguments qui auront été produits par la société, à tous les niveaux. Ce rapport de synthèse, constitué le plus objectivement possible, sera le réceptacle de tous ces échanges et de tous ces argumentaires, en somme la conclusion d’un véritable exercice d’intelligence collective ! Ce rapport sera remis à l’OPECST (Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) et éclairera à ce titre les pouvoirs publics en prévision de la révision de loi, programmée pour le second semestre de 2018.
Tous les avis comptent ! Rendez-vous sur le site des Etats généraux de la bioéthique pour vous informer et participer !
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