Suspectés de jouer un rôle central dans la rapidité d’expansion du virus Zika au Brésil, les moustiques Culex quinquefasciatus ont finalement été mis hors de cause. Une étude menée par l’Institut Oswaldo Cruz (Ministère de la Santé brésilien) en collaboration avec l’Institut Pasteur, vient en effet de mettre en évidence, en laboratoire, que les moustiques Culex ne sont pas capables de transmettre le virus Zika.
Depuis mai 2015, le virus Zika frappe le Nord-Ouest du Brésil et se répand à travers le continent avec une vitesse et une ampleur surprenante. Pour expliquer cette épidémie, deux espèces de moustiques sont en ligne de mire : le moustique Aedes aegypti, connu pour transmettre de nombreux virus comme celui de la dengue ou de chikungunya, mais aussi le moustique Culex quinquefasciatus, qui pullule en milieu urbain. Or, jusqu’à présent, aucun moustique Culex naturellement infecté par le virus Zika n’a été retrouvé sur le terrain. Et aujourd’hui, une nouvelle étude menée en laboratoire par l’Institut Oswaldo Cruz, en collaboration avec l’unité Arboviroses et insectes vecteurs, dirigée par Anna-Bella Failloux à l’Institut Pasteur, vient conforter l’idée que cette espèce n’est pas responsable de l’épidémie de Zika qui sévit dans le pays.
Les chercheurs ont collecté des œufs et des larves de Culex quinquefasciatus dans quatre quartiers de Rio de Janeiro touchés par la maladie. Une fois adulte, les moustiques ont été nourris en laboratoire avec du sang infecté par des souches locales du virus Zika – prélevées sur des patients de la capitale brésilienne. Plusieurs jours après ces repas, différentes parties du corps des moustiques ont été analysées : l’abdomen et le thorax où le sang est digéré et où sont situées les glandes salivaires, la tête afin de vérifier si le virus se dissémine dans le corps après l’ingestion de sang infecté, et la salive pour contrôler la possibilité de transmission virale au moment de la piqûre.
Culex quinquefasciatus mâle. © Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie
Les chercheurs ont montré que sur le millier d’échantillons analysés, prélevés sur près de 400 moustiques, seuls deux spécimens ont développé une infection précoce. Et pour ces deux moustiques, aucune particule virale n’a été détectée dans la tête ou dans la salive. Autrement dit, ces résultats mettent en évidence que le moustique Culex quinquefasciatus n’est pas capable de transmettre le pathogène, puisqu’aucune particule virale infectieuse n’est présente dans la salive expulsée par le moustique pendant la piqure. Ce résultat a été conforté par l’inoculation d’une forte dose de virus dans le corps du moustique, ce qui permet de s’affranchir du tube digestif qui d’ordinaire est une barrière naturelle contre les pathogènes. Ainsi, même de cette manière, il n’a pas été possible de détecter le virus dans la salive du moustique.
D’après cette étude, publiée dans la revue PLOS Neglected Tropical Diseases, les moustiques Culex quinquefasciatus de Rio de Janeiro sont incapables de transmettre le virus Zika à l’homme et sont donc mis hors de cause dans l’épidémie qui sévit au Brésil. A l’inverse, les moustiques Aedes aegypti n’ont pas été disculpés puisque 90 % d’entre eux ont expulsé le virus infectieux dans leur salive 14 jours après le repas de sang infectieux. Les stratégies de lutte antivectorielle doivent donc se concentrer en premier lieu sur l’élimination des sites de reproduction du moustique Aedes aegypti, comme cela est classiquement entrepris pour lutter contre la dengue et le chikungunya.
Source
Culex quinquefasciatus from Rio de Janeiro Is Not Competent to Transmit the Local Zika Virus, Plos Neglected Tropical Diseases, 6 septembre 2016
Rosilainy Surubi Fernandes1*, Stéphanie Silva Campos1*, Anielly Ferreira-de-Brito1, Rafaella Moraes de Miranda1, Keli Antunes Barbosa da Silva1, Marcia Gonçalves de Castro1, Lidiane M. S. Raphael2, Patrícia Brasil3, Anna-Bella Failloux4, Myrna C. Bonaldo2, Ricardo Lourenço-de-Oliveira1*
(1) Laboratório de Mosquitos Transmissores de Hematozoários, Instituto Oswaldo Cruz, Rio de Janeiro, Brazil
(2) Laboratório de Biologia Molecular de Flavivírus, Instituto Oswaldo Cruz, Fiocruz, Rio de Janeiro, Brazil
(3) Laboratório de Pesquisa Clínica em Doenças Febris Agudas, Instituto Nacional de Infectologia, Rio de Janeiro, Brazil
(4) Institut Pasteur, Arboviruses and Insect Vectors, Paris, France
* These authors contributed equally to this work.
Mis à jour le 27/09/2016