Des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS ont franchi une étape importante dans la compréhension de la structure moléculaire et du fonctionnement d’un élément majeur de l’arsenal que les bactéries possèdent pour détruire des cellules ou d’autres bactéries. Cette étude publiée dans Nature focalise sur le mécanisme d’assemblage et la description détaillée de l’architecture d’une pièce maitresse du système de sécrétion bactérien de type 6.
L’arbalète moléculaire : arme majeure de l’arsenal bactérien. © Institut Pasteur
Pour survivre et se développer, les bactéries sécrètent des facteurs de virulence capables de modifier à leur avantage la physiologie des cellules qu’elles infectent (cellules cibles). Ces facteurs traversent la barrière physico-chimique de l'enveloppe bactérienne et sont injectés dans ces cellules cibles via des « systèmes de sécrétion ». Ces derniers sont des machines moléculaires complexes souvent constituées d’un assemblage de plus d’une dizaine d’éléments protéiques. Pour enrayer le fonctionnement d’un système de sécrétion, et espérer ainsi bloquer les effets néfastes qu’il engendre sur la santé, il est absolument nécessaire de déterminer avec précision son architecture.
Le système bactérien de sécrétion de type 6 est l'un des principaux acteurs de cet arsenal chez de nombreuses bactéries pathogènes pour l’homme, comme Escherichia coli, Vibrio cholerae ou Pseudomonas aeruginosa. Il ressemble à une arbalète moléculaire qui propulse une flèche faite du tube Hcp et de la pointe VgrG dans le cytoplasme de la cellule cible. Cette arbalète est ancrée de manière stable à l'enveloppe de la bactérie par un complexe membranaire. Dans cette étude, l’équipe de Rémi Fronzes (Institut Pasteur / CNRS), en collaboration étroite avec les groupes d’Eric Cascales et celui de Christian Cambillau (Aix-Marseille Université / CNRS), montre que ce complexe est assemblé par l'addition de trois protéines : TssJ, TssM et TssL. Les chercheurs présentent sa structure déterminée par microscopie électronique à haute résolution. La détermination de la structure cristalline d’une partie de ce complexe et des études menées in vivo sur des bactéries suggèrent la formation d’un pore transitoire dans la membrane externe permettant le passage la flèche Hcp/VgrG. Ces résultats révèlent donc la composition, l’architecture moléculaire et le fonctionnement d’une pièce maitresse du système de sécrétion de type 6.
L’objectif à terme est de développer des stratégies thérapeutiques pour cibler ces étapes de formation du système de sécrétion de type 6 et ainsi parvenir à le bloquer.
Human nonphagocytic cells infected by the pathogen Listeria monocytogenes (bacteria in red, actin in green, and nucleus in blue). © Institut Pasteur
Source
Biogenesis and structure of a Type VI secretion membrane core complex, Nature, DOI: 10.1038/nature14667, 22 juillet 2015
Eric Durand(1,2,3,4,5*), Van Son Nguyen(2,5*), Abdelrahim Zoued(1*), Laureen Logger(1), Gérard Péhau-Arnaudet(4), Marie-Stéphanie Aschtgen(1), Silvia Spinelli(2,5), Aline Desmyter(2,5), Benjamin Bardiaux(4, 6), Annick Dujeancourt(3,4), Alain Roussel(2), Christian Cambillau(2,5), Eric Cascales(1) and Rémi Fronzes(3,4)
1 - Laboratoire d'Ingénierie des Systèmes Macromoléculaires, Aix-Marseille Université - CNRS, UMR 7255, 31 Chemin Joseph Aiguier, 13402 Marseille Cedex20, France_
2 - Architecture et Fonction des Macromolécules Biologiques, CNRS, UMR 7257, Campus de Luminy, Case 932, 13288 Marseille Cedex 09, France
3 - G5 Biologie structurale de la sécrétion bactérienne, Institut Pasteur, 25–28 rue du Docteur Roux, 75015 Paris, France.
4 - UMR 3528, CNRS, Institut Pasteur, 25–28 rue du Docteur Roux, 75015 Paris, France
5 - AFMB, Aix-Marseille Université, IHU Méditerranée Infection, Campus de Luminy, Case 932, 13288 Marseille Cedex 09, France
6 - Unité de Bioinformatique Structurale, Institut Pasteur, 25–28 rue du Docteur Roux, 75015 Paris, France
Mis à jour le 23/07/2015