Les équipes du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de l’hôpital Robert-Debré AP-HP, de la direction des services numériques de l’AP-HP et de l’Institut Pasteur, coordonnées par Romain Bey et le Pr Richard Delorme, ont développé de nouveaux outils numériques pour mieux suivre la santé mentale des habitants de la région Île-de-France. Les données de cette étude rétrospective ont été générées en analysant plusieurs millions de documents d’hospitalisation. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 14 février 2024 dans la revue NPJ Mental Health Research.
Les équipes de l’AP-HP et de l’Institut Pasteur ont cherché à identifier de nouveaux paramètres épidémiologiques permettant de mieux rendre compte de la santé mentale des populations d’Île-de-France en temps de crise. Pour cela, elles ont développé des outils numériques pour analyser automatiquement des millions de documents contenus dans les dossiers informatisés de patients hospitalisés à l’aide d’un algorithme d’intelligence artificielle développé par le data scientist Ariel Cohen. Pour essayer de mieux comprendre l’impact de la crise de Covid-19 sur le risque suicidaire des habitants d’Île-de-France, les chercheurs ont étudié la dynamique des tentatives de suicides avant et durant la pandémie en essayant de déterminer la prévalence de certains facteurs de risque connus comme l’isolement social, les antécédents de tentatives de suicide, les violences domestiques, physiques ou sexuelles. L’analyse de près de trois millions de dossiers d'hospitalisations provenant de 15 hôpitaux différents de l’AP-HP a été rendue possible grâce à l'entrepôt de données de santé de l'AP-HP. Cet entrepôt est une plateforme sécurisée dédiée à l’analyse, après pseudonymisation, des données massives collectées dans le cadre de soins. Ces travaux ont été soutenus par la Fondation de l’AP-HP.
A l'aide d'algorithmes de traitement des textes, 14 023 hospitalisations pour tentatives de suicide ont été identifiées sur les deux sous-périodes d’étude, c’est-à-dire avant la pandémie (du 1er août 2017 au 29 février 2020) et durant celle-ci (du 1er mars 2020 au 31 juin 2022).
« Une augmentation du nombre de tentatives de suicides a été relevée pendant la période de Covid-19. Les femmes font deux fois plus de tentatives de suicide que les hommes sur ces périodes. Cette augmentation des tentatives de suicide est particulièrement importante chez les filles et jeunes femmes, âgées de 8 à 25 ans. De manière alarmante, les violences domestiques, physiques et sexuelles sont des facteurs de risques régulièrement mentionnés dans les comptes rendus d’hospitalisation de celles-ci », commente le Pr Richard Delorme, chercheur au sein de l’unité de génétique humaine et fonctions cognitives à l’Institut Pasteur et chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Robert-Debré AP-HP.
Au lendemain de la pandémie de Covid-19, cette étude rétrospective met en lumière l’ampleur du phénomène de violences faites aux femmes, y compris aux âges précoces de la vie. Elle démontre par ailleurs que l'analyse des données massives collectées au sein de l'entrepôt de données de santé de l’AP-HP permettra à l’avenir d’améliorer le suivi des besoins sanitaires des populations d’Île-de-France, notamment en appréhendant mieux leur santé mentale.
Références : Romain Bey, Ph.D ; Ariel Cohen, M.Sc ; Vincent Trebossen, M.D ; Basile Dura, M.Sc ; Pierre-Alexis Geoffroy, Ph.D ; Charline Jean, M.Sc ; Benjamin Landman, M.D ; Thomas Petit-Jean, M.Sc ; Gilles Chatellier, M.D ; Kankoe Sallah, Ph.D ; Xavier Tannier, Ph.D ; Aurélie Bourmaud, Ph.D ; Richard Delorme, Ph.D – NPJ Mental Health Research