Les centres nationaux de référence, des sentinelles face aux pathogènes
Le 31 décembre 2022, Santé publique France a renouvelé sa confiance à l’Institut Pasteur pour ses centres nationaux de référence (CNR). Ce sont désormais 19 laboratoires qui sont impliqués dans les CNR. Leur rôle : surveiller et analyser les pathogènes circulant, faire progresser la recherche et protéger la santé des populations.
Sommaire
Avant-propos - Être un centre national de référence (CNR)
Définition - Qu'est-ce qu'une sentinelle ?
Fiche d'identité - Les CNR, sentinelles face à l'invisible
Description - Missions, fonctionnement et attributions des CNR
International - Les « autres » sentinelles de la santé publique
Focus - Les CNR à l’Institut Pasteur
Enquête - Arbovirus, quand la surveillance franchit les disciplines
Chiffres clé - Les arbovirus
Chronologie - E. coli, Listeria, Salmonella... - Anatomie d'une alerte
Focus - La rage, heure par heure
Être un centre national de référence (CNR)
Avec Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité des Infections bactériennes invasives, et du CNR Méningocoques et Haemophilus Influenzae, désigné Centre collaborateur de l’OMS pour les méningites bactériennes.
Si l’on ne devient Centre national de référence (CNR) qu’après avoir fait la preuve de son expertise scientifique dans un domaine, force est de constater que cette expertise grandit au contact de la « vraie vie » des agents pathogènes que les CNR traquent.
L’Institut Pasteur étudie la biologie du vivant et, pour cela, travaille sur des micro-organismes connus, véritables modèles de tubes à essai. A côtés des unités de recherche, les CNR surveillent et analysent tous les jours les pathogènes qui circulent. Ce travail met à l’épreuve nos connaissances durement acquises, afin d’en décupler la fiabilité et la validité, en se confrontant à l’immense diversité des couples pathogène/patient.
De cet enrichissement mutuel entre recherche fondamentale et santé publique, les CNR tirent des connaissances indispensables. Ainsi, prendre part à 19 CNR sur la quarantaine que compte la France est un atout indéniable de l’Institut Pasteur pour faire progresser la recherche et protéger la santé des populations. La place des CNR est centrale dans les crises sanitaires. Cette activité de sentinelles est une certaine vision de notre utilité.
L’Institut a, dès sa création, joué un rôle majeur pour la santé publique, étant alors un dispensaire pour le traitement de la rage, mais également un centre de recherche pour les maladies infectieuses. Ce rôle s’exprime aujourd’hui directement dans les activités des CNR. Ils sont une reconnaissance de notre expertise scientifique mais aussi de notre capacité à jouer collectif dans l’écosystème de la surveillance épidémiologique. Les CNR sont devenus ces dernières années de véritables outils de décision pour les pouvoirs publics, élargissant leur fonction sentinelle pour devenir des acteurs majeurs d’une réponse concertée aux menaces pathogènes.
Reconnaissance du milieu scientifique et du grand public, les CNR continuent à démontrer toute leur utilité, en étant aux avant-postes des crises sanitaires qui apparaissent et en permettant d’en éviter bien d’autres. Nous ne pouvons qu’être fiers de contribuer à leur essor et de prolonger ainsi la mission originelle de l’Institut Pasteur.
Qu'est-ce qu'une sentinelle ?
avec Isabelle Cailleau, direction médicale de l’Institut Pasteur, responsable de la coordination des Centres nationaux de référence.
Contamination par E. coli dans la laitue romaine. Crédit : Adobe Stock
sentinelle, n.f. :
ce qui garde, préserve, guette ; a pour tâche de surveiller pour éviter toute surprise. La sentinelle, dérivée du vocabulaire militaire, suppose un avant-poste, une position stratégique permettant de détecter un changement, un soubresaut révélateur de choses à venir. La sentinelle veille, phare dans la brume d’un « autre » potentiellement hostile dont on souhaite se prémunir.
En santé publique, la sentinelle incarne un processus de surveillance. Tours de guet, les Centres nationaux de référence (CNR) recueillent, analysent et traduisent les signaux pouvant conduire à des épidémies.
Le CNR, c’est une expertise, celle de l’identification, de la caractérisation et de la vigilance. Il faut être capable d’analyser, de contextualiser, de faire parler de grandes quantités de données et de les relier à une connaissance scientifique. Le mécanisme d’alerte n’est alors qu’un commencement, une mise en mouvement d’un processus calibré pour que la réponse soit aussi immédiate qu’efficace.
Le CNR est un lieu d’interface. Il est l’endroit où les connaissances sur les micro-organismes et leurs hôtes, issues de la recherche fondamentale, se retrouvent confrontées aux souches de pathogènes adressées par les laboratoires d’analyse médicale, dans le cadre de la surveillance épidémiologique. L’environnement contrôlé du laboratoire rencontre l’inattendu de la crise. L’un et l’autre se nourrissent, dans un cycle d’amélioration continue de la connaissance des maladies, de leurs vecteurs et modes de transmissions. La sentinelle rapproche, collisionne, bouscule, affine, les expertises comme les modèles. Elle est une force et un atout, non seulement pour la santé publique, mais aussi pour la recherche.
Les CNR, sentinelles face à l'invisible
avec Isabelle Cailleau, direction médicale de l’Institut Pasteur, responsable de la coordination des Centres nationaux de référence.
Manipulation au CNR de la rage - unité Lyssavirus, épidémiologie et neuropathologie. Crédit : William Beaucardet.
Avant-postes des phénomènes épidémiques, les Centres nationaux de référence (CNR), grâce à la surveillance qu’ils opèrent sur tout le territoire français, se positionnent en vigie des menaces pouvant avoir un impact sur la santé publique. Adossés à des unités de recherche, ils bénéficient de l’expertise de scientifiques de renom et disposent de technologies hautement performantes. Tout ceci leur permet d’enrichir en permanence l’état des connaissances acquises sur les mécanismes de virulence et de propagation des agents infectieux et leurs méthodes de détection. Leur implication majeure dans la gestion des crises sanitaires récentes est venue confirmer haut et fort leur utilité dans l’écosystème de la santé et dans notre capacité à comprendre, anticiper et répondre à ces menaces invisibles.
Une surveillance qui ne date pas d’hier…
Si l’appellation "centre national de référence" (CNR) apparaît pour la première fois en France dans un arrêté paru au Journal Officiel du 18 avril 1972, la notion de "centre de référence" était, elle, déjà utilisée depuis les années 50 pour décrire les activités d’unités de recherche de l’Institut Pasteur en réponse à des problématiques soulevées par des médecins ou par le ministère en charge de la santé, en lien avec le diagnostic ou le traitement de certaines maladies infectieuses.
Plus tôt encore, dès ses origines, l’Institut Pasteur endosse naturellement le rôle de sentinelle pour de nombreuses maladies transmissibles. On trouve en effet dans ses statuts initiaux « la création et la gestion de laboratoires de référence, d’expertises et de contrôle, ainsi que des collections de souches microbiennes », soit l’idée-même d’un CNR.
Le dispositif s’est, depuis, naturellement étoffé pour répondre à l’accélération et l’amplification de ces menaces pathogènes et bénéficier des progrès des techniques de détection. La formalisation des CNR en 1972 entérine leur rôle de sentinelle et harmonise leurs missions à l’échelle du territoire. Ils sont aujourd’hui 43, à la date du renouvellement de leur mandat début 2023, dont 13 sont coordonnés par l’Institut Pasteur (voir liste ci-après), chacun étant spécialiste d’un pathogène ou d’une famille de pathogènes.
Pr Christophe Burucoa
Président du comité des CNR, Santé publique France
"Les CNR sont au cœur de notre dispositif de santé publique, en lien étroit avec Santé publique France. Ils assurent des fonctions essentielles de soutien microbiologique à notre capacité de réponse face à l’évolution de la circulation des agents pathogènes. Sentinelles, oui, mais aussi interfaces entre recherche et santé publique et lieux d’échanges indispensables entre tous les acteurs locaux comme nationaux."
Des missions élargies dans un contexte de post-pandémie
Leur mobilisation dans les crises sanitaires récentes (voir chronologie page suivante) a confirmé leur rôle essentiel dans le processus de vigilance et de réponse aux risques épidémiques. Leur capacité à corréler les travaux de recherche fondamentale, l’expertise acquise en biologie médicale dans le cadre de la mission de CNR et les avancées scientifiques de l’épidémiologie prédictive les positionnent comme le maillon initiateur d’une réponse coordonnée. L’épidémie de SARS-CoV-2 a parfaitement illustré l’intérêt des interactions concomitantes entre la recherche et ses applications : collecte et analyse massive de données en temps réel permettant de suivre l’évolution de l’épidémie, mise en place des tests de dépistage, soutien aux agences nationales de santé pour évaluer les tests diagnostiques ; le CNR a été un acteur majeur dans la gestion de la toute récente crise sanitaire.
L’appel à candidature pour le renouvellement des CNR publié en mars 2022 est marqué par l’élargissement des missions (voir infographie), pour un certain nombre d’entre eux, notamment celui ciblant les virus des infections respiratoires, appelé à développer un panel de techniques et méthodes renforçant son expertise sur les coronavirus et le virus respiratoire syncytial, responsable d’infections respiratoires, comme la bronchiolite, pouvant entraîner des formes très graves chez les nourrissons.
Recherche et santé publique : un échange de bons procédés
Longtemps cantonnés à leur fonction d’observatoires des pathogènes, les CNR ont progressivement pris du galon en tant qu’interfaces essentielles entre la recherche dite fondamentale et la santé publique. Parce qu’ils enregistrent et analysent chaque année des milliers de souches pathogènes, les CNR rassemblent de véritables collections en permanence mises à jour, qui permettent de suivre dans le temps la circulation d’une maladie, de caractériser les mutations successives d’un micro-organisme, et ainsi de constituer une mémoire précieuse des maladies et de l’évolution des épidémies. C’est ce qui a par exemple permis en 2020 aux équipes du CNR des Vibrions et du Choléra d’étudier le génome de 172 souches pour comprendre l’origine des épidémies de choléra depuis 1970 et de confirmer le rôle de l’être humain dans leur propagation. Ces bases de données constituent la source même de la surveillance épidémiologique et leur analyse étaye les travaux de modélisation qui permettent d’anticiper l’évolution d’une épidémie et de guider les autorités de santé dans la mise en place de mesures de protection qui en limitent la diffusion. C’est aussi grâce aux échantillons collectés par les CNR que les unités de recherche peuvent alimenter leurs travaux de recherche fondamentale et enrichir leurs études. De plus en plus de publications scientifiques et de découvertes à l’Institut Pasteur sont d’ailleurs issues de données récoltées par des CNR.
La santé publique bénéficie elle-aussi grandement de l’expertise des laboratoires auxquels les CNR sont rattachés, notamment en matière de progrès techniques. Un exemple récent : l’origine de la contamination de lait en poudre par des salmonelles, ayant causé l’infection de près de 200 nourrissons entre 2005 et 2017 (et pour laquelle l’alerte a été donnée par le CNR Escherichia coli, Shigella et Salmonella), a pu être mise en évidence grâce aux progrès du séquençage génomique à haut débit, une technique déployée au sein de l’unité Bactéries pathogènes entériques de l’Institut Pasteur.
Missions, fonctionnement et attributions des CNR
Les missions des CNR
-
L’expertise concernant la microbiologie et la pathologie des agents infectieux, le développement, l'optimisation, la validation et la diffusion d'examens de biologie médicale ; l'identification et la confirmation des agents pathogènes ;
-
Le conseil scientifique ou technique en réponse à toute demande du ministre chargé de la santé, Santé publique France et des professionnels de santé ;
-
La contribution à la surveillance épidémiologique :
- Par l'animation d'un réseau de laboratoires auxquels peuvent être confiés la réalisation d'examens et qui en transmettent ensuite les résultats,
- Par la réalisation des analyses nécessaires à la surveillance des agents pathogènes
-
L’alerte immédiate de Santé publique France, du ministère chargé de la santé et, le cas échéant, de l'agence régionale de la santé de toute constatation de nature à présenter un risque ou une menace sur l'état de santé de la population.
Le fonctionnement et les attributions des CNR
Les CNR sont nommés pour cinq ans par le ministère chargé de la santé, sur proposition de Santé publique France et après évaluation des candidatures par un comité d’experts. Les missions propres à chaque CNR sont détaillées dans un cahier des charges spécifique. Pour assurer certaines de ses missions, un CNR peut s’appuyer sur un ou plusieurs (maximum trois) laboratoires dits « laboratoires associés ». Pour exercer parfaitement leurs missions, les CNR établissent de nombreuses collaborations nationales et internationales avec, notamment, les laboratoires de biologie médicale publics ou privés, des médecins sentinelles organisés en réseau, Santé publique France dans le cadre d’enquêtes épidémiologiques, les directions ou services de l’administration sanitaire, des laboratoires et organismes de recherche (Inserm, CNRS, Anses, Ifremer, etc.), et des laboratoires industriels. La plupart des CNR sont aussi membres de réseaux européens (comme l’European Center for Diseases Control -ECDC) ou internationaux (l’Organisation mondiale de la santé – OMS, voir encadré ci-dessous).
Les « autres » sentinelles de la santé publique
Comme les pathogènes eux-mêmes, la surveillance dépasse le cadre de nos simples frontières ! Les institutions internationales en charge de la santé dans le monde ont constitué des réseaux de sentinelles, matérialisés par des laboratoires de référence.
Les centres collaborateurs de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) coordonnent les efforts internationaux sous l’égide de l’institution. L’Institut Pasteur en abrite sept en France (Entérovirus, Listériose, Méningites, Rage, Salmonella, Résistances antipaludiques et Yersinia), et les membres du Pasteur Network 17 à travers le monde.
L’OMSA (Organisation mondiale pour la santé animale) fonctionne selon le même principe d’un réseau de centres collaborateurs, les CCOMSA. L’Institut Pasteur héberge celui dédié à la détection et l’identification chez l’homme des pathogènes animaux émergents et au développement d’outils pour leur diagnostic.
Enfin, l’Institut Pasteur a créé en 2002, sous l’impulsion de la direction générale de la santé, une cellule d’intervention biologique d’urgence (CIBU). Avec un système d’astreinte 24h/24 et 7j/7, son équipe peut être mobilisée sur sollicitation de la Direction Générale de la Santé pour répondre aux urgences microbiologiques en France et dans le monde. Elle vient en renfort des CNR, comme cela a pu être le cas au début de la pandémie de Covid-19, ou celle de la grippe H1N1 en 2009. Partenaire de l’Organisation mondiale de la santé, la CIBU peut aussi intervenir pour lutter contre les maladies émergentes comme Ébola en Guinée ou en République Démocratique du Congo.
Les CNR à l’Institut Pasteur
19 laboratoires (13 coordonnateurs et/ou 6 associés) sont hébergés à l’Institut Pasteur. Ils assurent la surveillance de 17 catégories d'agents pathogènes :
Virus
- Les virus des infections respiratoires, dont la grippe et le SARS-CoV-2
- Le virus de la rage
- Les virus à l’origine de fièvres hémorragiques, comme Lassa ou Ébola
- Les Hantavirus, transmis par les rongeurs
- Les arbovirus (voir fiche en fin de dossier)
- Les entérovirus et parechovirus, notamment ceux responsables de la poliomyélite
Bactéries
- Les Clostridium, dont la bactérie responsable du botulisme
- Les Yersinia, parmi lesquelles le bacille de la peste
- Les Corynebacterium, dont celle causant la diphtérie
- Les Shigella, Salmonella, et Escherichia coli, responsables d’infections alimentaires
- Les Leptospira, pouvant entraîner des insuffisances rénales
- Les Listeria, dont la « bactéries des réfrigérateurs » à l’origine de la listériose
- Les méningocoques ainsi que Haemophilus Influenzae, responsables de méningites
- Les vibrions, parmi lesquels l’agent du choléra
- Les Bordetella, dont le bacille de la coqueluche
Champignons
- Candida, aspergillus, cryptococcus et autres mycoses invasives
Parasites
Arbovirus, quand la surveillance franchit les disciplines
Dengue, chikungunya, fièvre jaune, Zika, des maladies graves qui ont en commun un même type de virus : les « arbovirus ». Il s’agit des virus transmis entre vertébrés par l’intermédiaire de la piqûre d’un “vecteur” (insectes ou tiques) qui se nourrit de sang. Parmi eux se trouvent les moustiques, principalement du genre Aedes, Aedes albopictus (moustique tigre) ou Aedes aegypti. Leurs œufs peuvent survivre plusieurs mois dans des milieux secs et même en milieux froids, ce qui est le cas du moustique tigre. Ce sont ce qu’on appelle des espèces invasives.
Origines et émergences
Le virus Zika est détecté pour la première fois chez un singe en Ouganda en 1947. La première épidémie éclate en Micronésie en 2007, puis en 2013 et 2014 en Polynésie Française et en 2015 au Brésil.
La dengue sévit principalement dans la zone intertropicale. Des cas sont régulièrement déclarés en France depuis 2010, montrant la réalité de la transmission même en zone tempérée.
La fièvre jaune a fait des ravages dans les Amériques entre le XVIIe et XIXe siècle. L’Afrique est aujourd’hui le continent le plus touché, avec 95% des cas recensés.
Depuis la première épidémie de chikungunya en Tanzanie en 1952, l’infection a gagné du terrain en Afrique et en Asie. Le virus apparaît en Europe en 2007 puis aux Antilles et en Polynésie avec d’importantes épidémies en 2013-2014.
Transmission
Piqûre par un moustique du genre Aedes, vecteur du virus. Un seul moustique peut porter près de dix milliards de particules virales sans subir lui-même d’effets délétères. Une fois infecté, le moustique peut transmettre le virus pendant toute sa vie à chaque piqûre.
Expertise et surveillance
A Paris, près de 60% des unités du département de Virologie de l’Institut Pasteur travaillent sur les maladies à transmission vectorielle.
La cellule d'intervention biologique d'urgence (CIBU) fait partie du centre collaborateur de l'OMS de référence pour les arbovirus et les fièvres hémorragiques virales. Elle est notamment impliquée dans le diagnostic et la recherche sur le virus Zika.
L’Institut Pasteur de Guyane héberge le laboratoire associé du centre national de référence des arbovirus.
Un cours d’entomologie médicale forme depuis 1988 des experts du monde entier à cette discipline. Ce cours est dispensé tous les deux ans, en alternance avec un cours dans le Pasteur Network. Une version MOOC existe également.
L’Institut Pasteur et d’autres membres du Pasteur Network participent à un réseau français multidisciplinaire et multi-institutionnel de veille, de surveillance et de recherche sur les arboviroses humaines et animales : Arbo-france (arbo-france.fr).
Les arbovirus en chiffres
100M
de cas symptomatiques de dengue
par an dans le monde, dont 500 000
cas hémorragiques (source OMS)
200 000
cas de fièvre jaune par an dans le
monde, avec un taux de mortalité
de 20 à 60% selon l’épidémie
(source OMS)
1 candidat vaccin
contre le chikungunya, élaboré par l’unité
Génomique virale et vaccination,
prêt à entrer en phase III
Anatomie d'une alerte
avec François-Xavier Weill, directeur du CNR des Escherichia coli, Shigella et Salmonella.
Prologue
La surveillance des pathogènes obéit à un système bien rodé dont les CNR sont les pivots. Comment passe-t-on de la sentinelle à l’alerte ? Voici un exemple passé à la loupe…
Étape 1 : la menace
À différents endroits du territoire, des cas d’infection à un pathogène sous surveillance sont déclarés. Ils sont repérés par les laboratoires de biologie médicale, en ville comme à l’hôpital, à la suite du diagnostic d’un ou plusieurs patient/s. Deux situations :
- soit la maladie en question est dite « à déclaration obligatoire » (au nombre de 36 en 2022), dans ce cas les échantillons prélevés sur les patients sont envoyés au CNR dédié, pour analyse des souches responsables ;
- soit la maladie n’est pas « à déclaration obligatoire » mais les souches font l’objet d’une surveillance microbiologique et peuvent être transmises au CNR pour caractérisation et typage, afin de rechercher la source d’une infection ou de détecter une chaîne de transmission.
Étape 2 : l’expertise
Les échantillons reçus sont identifiés grâce à des technologies avancées (séquençage génomique depuis 2017) pour typer précisément la souche exacte du pathogène incriminé. Ce travail de microbiologie permet de comparer le pathogène prélevé à une base de données génomiques pour repérer d’autres souches génétiquement reliées et ainsi identifier un début d’épidémie. Ces analyses sont ensuite communiquées à Santé publique France pour analyse de la situation épidémiologique, en temps réel dans le cas des maladies à déclaration obligatoire, et de façon régulière pour les autres. Dans le cas d’infections d’origine alimentaire, des échantillons prélevés sur des aliments suspects ou faisant l’objet d’une surveillance systématique sont communiqués au CNR pour comparaisons entre souches cliniques et souches alimentaires afin de tenter d’identifier la source de contamination.
Étape 3 : l’alerte
Dans la plupart des cas, le pathogène identifié est connu. Parfois, une nouvelle souche ou un nouveau variant est identifié et vient enrichir la connaissance de la maladie qui y est associée. L’alerte intervient lorsque la situation dépasse le cadre connu de sa circulation habituelle. Par exemple, une nouvelle souche est identifiée, elle est plus agressive et/ou plus transmissible et/ou plus résistante aux antibiotiques. Parfois aussi, le nombre de cas augmente rapidement ou leur concentration géographique laisse présager un foyer infectieux… Toute situation est scrutée pour éviter un potentiel départ d’épidémie. Les équipes des CNR préviennent immédiatement Santé publique France qui peut alors décider de diligenter une enquête épidémiologique pour cibler l’origine de la contamination. D’autres acteurs institutionnels peuvent aussi être mobilisés selon le type de pathogène, comme les directions générales de ministères (chargés de l’agriculture-alimentation, de la santé, de l’économie, …), dans le cadre d’une investigation liée à une infection alimentaire.
Étape 4 : le suivi et le conseil
Une fois l’alerte donnée, le travail des CNR continue sur deux plans parallèles. D’un côté, le suivi de la progression de l’émergence avec un traçage renforcé des cas pour repérer la circulation de la souche incriminée. De l’autre, un appui aux autorités de santé publique pour les éclairer sur la réponse à donner à l’alerte : par exemple sur le choix des modalités de tests diagnostiques les plus adaptées à la souche identifiée.
Épilogue
L’épidémie a été contenue, son origine identifiée et les mesures pour empêcher sa résurgence prises et appliquées. Mais l’activité de sentinelle du CNR ne s’arrête jamais. Il continue à surveiller les pathogènes circulants et conserve la mémoire de l’alerte passée, un élément crucial pour identifier rapidement une éventuelle réémergence future. Certains CNR conservent ainsi toutes les souches reçues depuis des décennies (plusieurs centaines de milliers de souches conservées depuis 1947 pour le CNR des Escherichia coli, Shigella et Salmonella par exemple). Cette précieuse connaissance vient alimenter le travail des unités de recherche, leur apportant un éclairage sur la diversité et l’évolution génétiques des agents pathogènes au cours du temps. Certains CNR suivent également des cohortes, un type d’enquête qui consiste à suivre dans le temps une population définie pour étudier l’incidence d’un événement de santé, ceci afin d’améliorer notre compréhension des maladies.
La rage, heure par heure
La rage fait partie de ces pathogènes surveillés étroitement. Entre 1200 et 1 300 prélèvements animaux sont analysés chaque année dans le cadre de la surveillance du CNR de la rage. En octobre 2022, un cas de rage canine en Île-de-France déclenche l’alerte. Résumé heure par heure.
Avec Laurent Dacheux, responsable adjoint du CNR de la rage.