Comment lutter contre les DIPs dans le cas particulier de la Tunisie ?
La Tunisie, comme d’autres pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, est particulièrement touchée par ces déficits immunitaires primitifs en raison de la forte consanguinité de sa population pouvant atteindre 50% des mariages dans certaines régions rurales. Face à ce constat, le projet « Amélioration de la prise en charge des enfants Tunisiens atteints de Déficits Immunitaires Primitifs, ATun-DIP’s » initié et porté par l’Institut Pasteur de Tunis a vu le jour en 2015 grâce au soutien financier de la Direction de la Coopération Internationale de Monaco dans le but de renforcer les capacités de diagnostic et de prise en charge des DIPs chez l’enfant dans les régions du Centre et du Sud de la Tunisie.
En raison de la difficulté de poser un diagnostic, on estime que la majorité des patients tunisiens ne sont pas diagnostiqués ou le sont tardivement. C’est pourquoi, le projet a mené pour la première fois une action globale ciblant les principaux acteurs de la santé en Tunisie, notamment les médecins, les infirmiers, les laboratoires, sans oublier les patients et leurs familles.
Dans le cadre du projet ATun-DIP’s, plus d’une centaine de médecins (pédiatres et médecins généralistes) ont bénéficié de formations pour améliorer leur expertise sur les signes d’alertes de la maladie et sur l’établissement d’un diagnostic précoce. D’autre part, une mise à niveau des compétences d’une trentaine d’infirmiers, pour la plupart travaillant dans les structures hospitalières régionales, a été menée pour mieux prendre en charge ces malades aux besoins spécifiques
Le personnel formé a été préparé pour servir de relai pour diffuser l’information utile à leurs collègues.
Cette première phase a permis d’implémenter une approche globale inédite qui a également abouti à la création de l’Association Tunisienne des patients atteints de Déficits Immunitaires Primitifs (Atun -DIPs). En parallèle, l’Institut Pasteur de Tunis a renforcé ses capacités de laboratoire de référence dans l’investigation immunologique et génétique des DIPs, afin de mieux les diagnostiquer, sur le plan biologique. Suite aux actions de la première phase du projet ciblant les régions Centre et Sud du pays, la moyenne annuelle de nombre de cas confirmés a augmenté de 26% par rapport aux années précédentes.
Une deuxième phase du projet étendue pour cibler d’autres potentiels patients en Tunisie
La seconde phase du projet ATun-DIP’s a été lancée en février 2021, en présence virtuelle des représentants de toutes les parties prenantes du projet, à savoir l’Institut Pasteur de Tunis (promoteur et investigateur principal), l’Institut Pasteur à Paris (coordonnateur administratif et financier), la Direction de la Coopération Internationale de la Principauté Monégasque (bailleur), la Direction des Soins de Santé de Base du ministère tunisien de la Santé (partenaire), la Faculté de Médecine de Tunis (partenaire) et l’Association Tunisienne des patients atteints de Déficits Immunitaires Primitifs (ATun -DIPs).
Suite aux excellents résultats de la première phase, notamment le nombre de patients diagnostiqués, l’équipe du projet va élargir son rayon d’action afin de couvrir l’intégralité du territoire tunisien. Les activités entreprises lors de la phase 1 dans le Sud et Centre sont reconduites, mais elles s’étendront désormais aux régions Nord-Ouest du pays. Par ailleurs, l’étude va inclure les patients adultes atteints de DIPs, puisque ceux-ci constituent plus de la moitié des malades dans les registres internationaux. L’équipe travaillera en partenariat avec la Faculté de Médecine de Tunis pour assurer des formations de qualité aux médecins et aux pédiatres dans les régions Nord-Ouest. Cette action fera partie intégrante du partenariat Faculté-Territoire de la Faculté de Médecine de Tunis afin de pérenniser cette action.
Des techniques de séquençage plus puissantes pour un meilleur diagnostic des déficits immunitaires primitifs
Pour améliorer encore la précision du diagnostic des DIPs, des techniques moléculaires plus innovantes seront entreprises. En effet, le diagnostic moléculaire utilisé dans la phase 1 reposait sur l’approche dite du « gène candidat », chaque gène connu pour être potentiellement responsable de DIPS est séquencé pour chaque patient afin d’identifier la source du défaut génétique.
Lors de la phase 2, l’équipe du projet va introduire deux nouvelles technologies de séquençage haut débit grâce à une collaboration avec la plateforme BIOMICS de l’Institut Pasteur à Paris. La première repose sur une recherche systématique, pour chaque patient, de défauts génétiques sur un panel de300 gènes connus, dont certains identifiés lors de la phase 1. La seconde technologie permettra, si ces résultats ne sont pas concluants, de réaliser un séquençage total du génome afin de rechercher des mutations responsables de DIPs. En plus de confirmer le diagnostic, cette recherche supplémentaire permettra d’identifier des nouveaux gènes associés aux DIPs.
La formation de membres de l’Institut Pasteur de Tunis à l’analyse bio-informatique des données générées par les techniques de séquençage haut débit sera quant à elle assurée par les collaborateurs du Département de Biologie Computationnelle de l’Institut Pasteur à Paris.