Une nouvelle technique pourrait fournir des informations essentielles sur l’immunité d’une communauté aux maladies infectieuses, y compris le paludisme et la maladie Covid-19.
Le test de diagnostic consiste à analyser un échantillon sanguin pour révéler les marqueurs immunitaires indiquant si (et à quel moment) une personne a été exposée à une infection. Il a été développé pour le suivi des infections paludéennes dans les communautés et pour favoriser l’élimination du paludisme mortel récidivant. Cependant, il est aujourd’hui en cours d’adaptation pour permettre de suivre l’immunité à la Covid-19 avec une précision supérieure à celle offerte par les tests existants.
Publiée dans Nature Medicine, cette nouvelle approche diagnostique pourrait améliorer la surveillance des maladies infectieuses, en particulier dans les pays à revenu faible où elle permettrait aux autorités de santé de suivre la propagation d’une maladie dans une communauté et de déployer les ressources de façon ciblée, en fonction des besoins. Ces recherches ont été menées par les chercheurs de l’Institut Pasteur (France), du Walter and Eliza Hall Institute (Australie) et de l’Université d’Ehime (Japon).
Données clés
- Une équipe internationale a développé une nouvelle approche pour la détection de l’immunité d’une personne à une maladie infectieuse. Elle apporte des informations précieuses permettant de déterminer si (et à quel moment) une personne a été exposée à l’infection.
- Le test a été développé pour détecter une exposition récente au paludisme. Cependant, l’équipe de recherche travaille actuellement à son adaptation pour la détection d’un antécédent d’exposition au coronavirus responsable de la maladie Covid-19.
- Permettant de déterminer avec précision à quel moment une infection se propage dans une communauté, le test offre de nouvelles opportunités d’amélioration des stratégies de contrôle et d’élimination des infections, notamment pour les pays à revenu faible.
Détection des antécédents d’infection
L’exposition à des virus, parasites ou bactéries déclenche des réponses immunitaires entraînant la circulation d’anticorps dans le sang. Ces anticorps peuvent rester présents durant des années. Toutefois, au fil du temps, la quantité des différents types d’anticorps évolue.
« Grâce à la nouvelle technique de diagnostic, les chercheurs peuvent observer en détail les quantités des différents anticorps dans le sang pour déterminer si une personne a été exposée à une infection spécifique et surtout à quel moment », explique le Professeur Ivo Mueller, qui a mené ces recherches et qui travaille simultanément pour le Walter and Eliza Hall Institute et l’Institut Pasteur.
« De nombreux tests d’immunité permettent uniquement de savoir si le sang d’un individu contient ou non des anticorps contre l’agent infectieux », ajoute-t-il. « Notre test, développé à l’origine pour surveiller les infections paludéennes, permet, quant à lui, de déterminer à quel moment un individu a été exposé à une infection. »
« Il s’agit d’une information très précieuse pour le suivi de la propagation d’une infection au sein d’une population. Dans les pays à revenu faible en particulier, il n’est pas toujours possible de surveiller la propagation réelle de l’infection. Cependant, il est très utile d’observer, rétrospectivement, si l’infection s’est propagée et d’évaluer l’efficacité des programmes de contrôle des infections afin de répondre aux résurgences de la maladie », précise-t-il.
L’équipe a mis en œuvre ces recherches pour comprendre la propagation du paludisme vivax récidivant. Le parasite du paludisme responsable de cette forme de la maladie (le plus répandu au monde) peut rester à l’état dormant dans l’organisme d’un individu et se réveiller plus tard, favorisant de nouveau la propagation de la maladie ; un phénomène compliquant considérablement la lutte antipaludique.
Le Professeur Mueller explique que ses équipes de Paris et Melbourne appliquent désormais les systèmes qu’ils ont établis pour le paludisme à la détection de l’immunité au coronavirus responsable de la maladie Covid-19.
« Nous avons commencé à étudier le sang d’individus déjà infectés par la Covid-19 pour documenter les types d’anticorps présents. Nous espérons découvrir, au cours des six prochains mois, la façon dont ces anticorps évoluent dans le temps. Nous pourrons alors utiliser ces informations pour étudier l’immunité chez des groupes plus vastes de la communauté. »
« Cet outil n’est pas destiné au diagnostic des individus mais plutôt à la surveillance de la propagation de Covid-19 dans les populations. Dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, il est possible que la Covid-19 se propage de façon inaperçue dans certaines régions au cours de l’année à venir, notamment de par l’assouplissement des mesures de fermeture entrepris par les différents gouvernements. Ce test pourrait être précieux pour éclairer la prise de décision à cet égard. »
Un projet de recherche financé par l’Institut Pasteur est en phase de démarrage en Afrique de l’Ouest. Il s’appuie sur cette nouvelle approche de diagnostic pour la surveillance sérologique du SARS-CoV-2 et des coronavirus saisonniers. Ce projet implique quatre membres du Réseau International des Instituts Pasteur (RIIP) : Institut Pasteur à Paris, Institut Pasteur de Dakar, Centre Pasteur du Cameroun et Institut Pasteur de Côte d’Ivoire.
Élimination du paludisme
Le Dr Michael White, co-auteur principal et chercheur à l’Institut Pasteur, explique que le test sanguin du paludisme a été validé à l’aide d’échantillons d’individus vivant dans des zones impaludées du Brésil, de Thaïlande et des Îles Salomon.
« Nos recherches ont confirmé que le test permettrait de détecter les individus infectés par P. vivax au cours des neuf mois précédents et qui sont donc particulièrement exposés au risque d’infections paludéennes récidivantes », commente-t-il.
« Ces informations favoriseront la surveillance des zones toujours touchées par le paludisme. Elles permettront également d’améliorer le déploiement de ressources vers ces zones et d’assurer un traitement ciblé des individus infectés. Cette approche pourrait signer des avancées considérables dans la façon de contrôler et, au final, d’éliminer le paludisme. »
« Notre équipe collabore actuellement avec Axxin, une entreprise de biotechnologie australienne, pour développer un test de diagnostic du paludisme pouvant être déployé sur le terrain, basé sur les marqueurs immunitaires identifiés par nos tests en laboratoire », explique le Professeur Mueller. « Nous envisageons de poursuivre les essais cliniques notamment pour déterminer dans quelle mesure notre test peut orienter les efforts d’élimination du paludisme. À cet égard, la mise à disposition d’un test rapide sur le terrain représente une priorité. »
Les recherches sur lesquelles s’appuie le nouveau test ont été menées par le Professeur Mueller et le Dr White, en collaboration avec le Dr Rhea Longley du Walter and Eliza Hall Institute de Melbourne et le Professeur Takafumi Tsuboi de l’Université d’Ehime au Japon.
Ces travaux ont été financés par le fonds d’innovation du Walter and Eliza Hall Institute, le Global Health Innovative Technology Fund, la Foundation for Innovative New Diagnostics, l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses des États-Unis (NIAID), le consortium TransEPI (soutenu par la fondation Bill & Melinda Gates), le Conseil thaïlandais de la recherche, la société japonaise « Promotion of Science », l’Institut médical Howard Hughes, le Wellcome Trust (Royaume-Uni), le Conseil national pour le développement scientifique et technologique du Brésil, le gouvernement du Royaume-Uni, le Conseil national de la santé et de la recherche médicale d’Australie et le gouvernement de Victoria.
Sources
Development and validation of serological markers for detecting recent Plasmodium vivax infection, Nature Medicine, 11 mai 2020.
Rhea Longley1,2,3,21, Michael White4,21, Eizo Takashima5, Jessica Brewster1, Masayuki Morita5, Matthias Harbers6,7, Thomas Obadia4,8, Leanne Robinson1,2,9, Fumie Matsuura6, Zoe Liu1,2, Connie Li-Wai-Suen1,2, Wai-Hong Tham2,10, Julie Healer2,10, Christele Huon11, Chetan Chitnis11, Wang Nguitragool12, Wuelton Monteiro13,14, Carla Proietti15,16, Denise Doolan15,16, Andre Siqueira17, Xavier Ding18, Iveth Gonzalez18, James Kazura19, Marcus Lacerda13,20, Jetsumon Sattabongkot3, Takafumi Tsuboi5, Ivo Mueller1,2,4
1. Population Health and Immunity Division, Walter and Eliza Hall Institute of Medical Research, Melbourne, Victoria, Australia.
2. Department of Medical Biology, University of Melbourne, Melbourne, Victoria, Australia.
3. Mahidol Vivax Research Unit, Faculty of Tropical Medicine, Mahidol University, Bangkok, Thailand.
4. Unité Malaria: Parasites et Hôtes, Département Parasites et Insectes Vecteurs, Institut Pasteur, Paris, France.
5. Division of Malaria Research, Proteo-Science Center, Ehime University, Matsuyama, Japan.
6. CellFree Sciences Co., Ltd., Yokohama, Japan.
7. RIKEN Center for Integrated Medical Sciences (IMS), Yokohama, Japan.
8. Hub de Bioinformatique et Biostatistique, Département Biologie Computationnelle, Institut Pasteur, USR 3756 CNRS, Paris, France.
9. Burnet Institute, Melbourne, Victoria, Australia.
10. Infection and Immunity Division, Walter and Eliza Hall Institute of Medical Research, Melbourne, Victoria, Australia.
11. Malaria Parasite Biology and Vaccines, Department of Parasites & Insect Vectors, Institut Pasteur, Paris, France.
12. Department of Molecular Tropical Medicine and Genetics, Faculty of Tropical Medicine, Mahidol University, Bangkok, Thailand.
13. Fundacão de Medicina Tropical Dr. Heitor Vieira Dourado, Manaus, Brazil.
14. Universidade do Estado do Amazonas, Manaus, Brazil.
15. Centre for Molecular Therapeutics, Australian Institute of Tropical Health and Medicine, James Cook University, Cairns, Queensland, Australia.
16. QIMR Berghofer Medical Research Institute, Brisbane, Queensland, Australia.
17. Instituto Nacional de Infectologia Evandro Chagas–Fiocruz, Rio de Janeiro, Brazil.
18. Foundation for Innovative New Diagnostics, Geneva, Switzerland.
19. Center for Global Health and Diseases, Case Western Reserve University, Cleveland, OH, USA.
20. Instituto Leônidas & Maria Deane (Fiocruz), Manaus, Brazil.
21. These authors contributed equally: Rhea J. Longley, Michael T. White.
Serological signatures of SARS-CoV-2 infection: Implications for antibody-based diagnostics, HAL Pasteur, 11 mai 2020.
Jason Rosado1, Charlotte Cockram2, Sarah Merkling3, Caroline Demeret4, Annalisa Meola5, Solen Kerneis6,7, Benjamin Terrier8,9, Samira Fafi-Kremer10, Jérome Sèze11, Marija Backovic5, Ivo Mueller1,12, Michael White1
1. Malaria: Parasites and Hosts Unit, Department of Parasites and Insect Vectors, Institut Pasteur, Paris, France
2. Spatial Regulation of Genomes Unit, Department of Genomes and Genetics, Institut Pasteur, Paris, France
3. Insect-Virus Interactions Unit, Department of Virology, UMR 2000, CNRS, Institut Pasteur, Paris, France
4. Molecular Genetics of RNA Viruses Unit, Department of Virology, Institut Pasteur, Paris, France
5. Structural Virology Unit, Department of Virology and CNRS UMR 3569, Institut Pasteur, Paris, France
6. Equipe Mobile d’Infectiologie, APHP Centre-Université de Paris, Paris, France
7. Epidemiology and Modelling of Bacterial Escape to Antimicrobials Unit, Department of Global Health, Institut Pasteur, Paris, France
8. Department of Internal Medicine, National Referral Center for Rare Systemic Autoimmune Diseases, Assistance Publique Hôpitaux de Paris-Centre (APHP-CUP), Université de Paris, Paris, France
9. PARCC, INSERM U970, Paris, France
10. CHU de Strasbourg, Laboratoire de Virologie, F-67091 Strasbourg, France
11. Université de Strasbourg, INSERM, IRM UMR_S 1109, Strasbourg, France
12. Centre d'Investigation Clinique -INSERM CIC-1434, Strasbourg, France
13. Division of Population Health and Immunity, The Walter and Eliza Hall Institute, Melbourne, Australia