Pour accélérer la lutte mondiale contre l’hépatite B, il est essentiel d’étendre les services de dépistage et de traitement dans les pays où les ressources sont limitées, en particulier en Afrique subsaharienne. Déterminer quel patient est éligible au traitement s’avère complexe et nécessite des tests peu disponibles dans ces régions. Faut-il traiter toutes les personnes infectées par le virus sans évaluer l’éligibilité au traitement ("Treat All") ? Grâce à un modèle mathématique, des chercheurs ont déterminé qu’une alternative combinant des tests diagnostiques simples se révèle économique et suffisamment efficace pour évaluer si un patient doit être traité.
L’hépatite B est une maladie virale du foie qui touche près de 300 millions de personnes dans le monde. Le virus est généralement transmis de la mère à l’enfant, par contact sanguin ou par voie sexuelle.
L’hépatite B reste une cause majeure du cancer du foie. Environ 820 000 personnes porteuses de ce virus meurent chaque année à cause de la cirrhose ou le cancer du foie. Néanmoins, une grande part des personnes infectées par ce virus vivent normalement et n’ont pas nécessairement besoin d’un traitement antiviral. L’OMS estime qu’entre 12 et 25% des patients atteints d’une hépatite B chronique devraient être traités à un moment donné.
« Le problème, c’est qu’il est difficile de savoir qui peut vraiment bénéficier du traitement antiviral », explique Yusuke Shimakawa, chercheur au sein de l'unité Epidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur. « Il existe plusieurs protocoles pour sélectionner celles ou ceux qui doivent initier le traitement, mais ils sont parfois difficilement applicables, d’autant plus que cette maladie touche principalement les pays d’Afrique et d’Asie, où l’accès aux outils de diagnostic est très limité. »
Une attention particulière portée vers les pays aux ressources limitées
En effet, dans les pays à faibles revenus, entre 5 et 8% des adultes portent le virus de l’hépatite B sans aucun symptôme, par la transmission établie dans l’enfance. Mais, certains finissent par développer à l’âge adulte des maladies chroniques (du foie en particulier), pouvant amener jusqu’au cancer. Ces maladies sont repérées tardivement, entrainant des décès précoces. Dans ces pays, une meilleure surveillance et un dépistage d’une population générale serait nécessaire.
Ainsi, certains chercheurs et certaines associations de patients préconisent le traitement universel (stratégie “Treat all” comme pour le VIH), c’est-à-dire traiter « tout le monde » pour ne plus avoir besoin d’évaluer l’éligibilité aux traitements. Mais plusieurs problèmes sont à prendre en considération :
- son coût potentiellement élevé,
- sa prise journalière à vie,
- la difficulté de pérenniser l’accès au traitement (en particulier dans les pays en voie de développement).
C’est pourquoi une équipe de l’Institut Pasteur, en collaboration avec d’autres chercheurs, s’est intéressée à la situation en Afrique de l’Ouest, zone de forte endémie (l’hépatite B y sévit en permanence). Objectif : tenter d’identifier plus facilement les personnes éligibles au traitement antiviral.
Les tests de diagnostic comme la quantification de la charge virale du VHB ou le FibroScan® sont limités dans les pays aux ressources limitées. L’équipe de l’Institut Pasteur a développé un modèle mathématique : « Notre étude est le premier modèle mathématique comparant, en termes d’efficacité et de coût, les différentes stratégies pour évaluer l’éligibilité aux traitements antiviraux en Gambie, afin de prescrire ou non un traitement à un patient atteint d’hépatite B. C'est la première fois qu’une telle analyse est conduite dans un pays à faible revenu », souligne Liem Binh Luong Nguye, le premier auteur de l’étude.
Les mathématiques pour trouver un modèle de dépistage de l’hépatite B
« À l’aide d’un modèle mathématique, le résultat suggère une stratégie ciblée et simplifiée, utilisant un test diagnostic bien connu appelé TREAT-B, étant plus adaptée à ces pays », rapporte le chercheur.
Le test TREAT-B combine l’antigène de l’hépatite B « e » (ou AgHBe) et l’alanine transaminase. Il permet de réduire, aussi bien que les tests beaucoup plus « sophistiqués », les cas de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire (un type de cancer), tout en étant plus abordable avec un budget sur 5 ans coûtant moitié moins que l’approche "Treat all".
En effet, l’étude montre que le traitement universel entrainerait un coût des soins trop élevé pour un pays à faible revenu comme la Gambie et l’efficacité de cette stratégie dépendrait fortement :
- de l’acceptabilité d’une telle stratégie par la population ;
- et de la qualité de vie des personnes sous traitement.
L’accessibilité au diagnostic pour tous les pays est essentielle pour une prise en charge précoce et ainsi éviter le développement des maladies provoquées par l’hépatite B chronique. C'est pourquoi déterminer l’éligibilité d’un patient au traitement est une étape clé pour la mise en place d’une stratégie de prévention.
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Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
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Source
Treat All versus targeted strategies to select HBV-infected people for antiviral therapy in The Gambia, west Africa: a cost-effectiveness analysis, the Lancet, 24 novembre 2023.