Avec l’émergence du variant Omicron, les établissements de soins restent des lieux à haut risque de circulation du virus. Il est donc essentiel d’y surveiller au mieux la présence du virus et de l’adapter en fonction du risque épidémique. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et leurs collaborateurs ont analysé l’utilisation réactive des tests antigéniques dans un hôpital de long séjour suite à la détection d’un risque épidémique accru.
Face à la pandémie de Covid-19, les hôpitaux sont en première ligne dans la lutte contre la maladie et constituent des lieux à haut risque de circulation du virus. Dans les hôpitaux de soins de suite et de long séjour, qui ne sont pas censés accueillir de patients atteints du covid-19, le virus peut également circuler activement via l’admission, entre autres, de patients ou de personnels qui auraient été infectés par le virus en communauté ou dans un autre lieu de soin. Lorsque le risque d’épidémie dans les hôpitaux augmente, il est crucial de réagir en renforçant la surveillance afin de détecter et isoler au plus tôt les personnes infectées, évitant ainsi que le virus ne se propage largement dans l’établissement et ne vienne contaminer des patients déjà fragiles.
Deux cycles de dépistage antigénique évitent jusqu’à 75% des infections
Afin d’aider à la mise en œuvre de stratégies de surveillance efficace des cas de Covid-19 dans les établissements de soins de longue durée, des chercheurs de l’Institut Pasteur et leurs collègues ont mené une étude de modélisation, publiée dans Nature Communications. Pour cela, les chercheurs ont simulé des épidémies dans plusieurs hôpitaux en supposant qu’une gamme de mesures de contrôle limitant le risque de covid-19 (distanciation sociale, port obligatoire de masque, vaccination) étaient déjà mise en place. À l'aide d'une analyse contrefactuelle, le dépistage de la population à l'aide des tests antigéniques a été évalué pour sa capacité à prévenir la transmission de SARS-CoV-2 à la suite d’une soudaine augmentation de risque épidémique dans l’établissement.
« Avec deux cycles de dépistage antigénique programmés, jusqu'à 75 % des infections nosocomiales pourraient être évitées, contre 64 % avec un seul cycle de dépistage, ou 47 % dans le cas de tests PCR de routine uniquement pour des cas symptomatiques », explique David Smith, doctorant au sein de l'unité Epidémiologie et modélisation de la résistance aux antimicrobiens de l’Institut Pasteur et co-auteur de l’étude. Un délai de 4 à 5 jours entre le premier et le deuxième tour de dépistage s’avérait optimal pour la prévention de la transmission, en raison de la nature variable dans le temps de la sensibilité du test.
Évaluer les bénéfices médico-économique du dépistage
Les chercheurs ont aussi montré que la cible du dépistage (patients ou soignants) importe. Lorsque le risque d’épidémie était très élevé, il était plus efficace de cibler les patients au lieu des soignants pour éviter la transmission. En revanche, dans des établissements bien protégés contres des épidémies grâce à d’autres mesures de contrôles, l’efficacité du dépistage antigénique était similaire que soient ciblés les patients ou les soignants. Les scientifiques ont ensuite évalué les bénéfices médico-économique de ces protocoles de dépistage. Le risque sous-jacent d'épidémie était le principal facteur du rapport coût/efficacité du dépistage. Ce facteur était plus important que le moment du dépistage (immédiat ou différé), le type de test utilisé (antigénique ou RT-PCR) ou la cible (patients ou soignants).
Source :
Rapid antigen testing as a reactive response to surges in nosocomial SARS-CoV-2 outbreak risk, Nature Communications, 11 janvier 2022
David R. M. Smith1,2,3, Audrey Duval1,2,4, Jean Ralph Zahar4,5, Lulla Opatowski1,2, Laura Temime3,6
1 - Institut Pasteur, Epidemiology and Modelling of Antibiotic Evasion (EMAE), Paris, France
2 - Université Paris-Saclay, UVSQ, Inserm, CESP, Anti-infective evasion and pharmacoepidemiology team, Montigny-Le-Bretonneux, France
3 - Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires (MESuRS), Conservatoire national des arts et métiers, Paris, France
4 - IAME, UMR 1137, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, Paris, France
5 - Service de Microbiologie Clinique et Unité de Contrôle et de Prévention du Risque Infectieux, Groupe Hospitalier Paris Seine Saint-Denis, AP-HP, Bobigny, France
6 - PACRI unit, Institut Pasteur, Conservatoire national des arts et métiers, Paris, France