Fin avril 2020, 1 340 personnes reliées aux écoles primaires de Crépy-en-Valois (Oise) ont fait l'objet d'une investigation épidémiologique menée par les chercheurs de l’Institut Pasteur avec le soutien de l'Agence régionale de la santé des Hauts-de-France et de l'Académie d'Amiens. Grâce au concours de la population de Crépy-en-Valois, et suite à l’utilisation de tests sérologiques développés par l’Institut Pasteur, cette étude révèle que la proportion d’élèves des écoles primaires infectés par le nouveau coronavirus était de 8.8%. Il apparait sur quelques cas d’infection détectés chez les écoliers avant la fermeture des écoles que les enfants n’ont transmis l’infection ni aux élèves, ni aux enseignants et ni aux autres personnels des établissements scolaires. Ces résultats ont fait l'objet d'une prépublication sur MedRxiv. Ils ont ensuite été publiés le 15 avril 2021 dans le journal Eurosurveillance.
- Le virus a circulé dans cette communauté à partir de la fin janvier 2020, et le nombre de cas a augmenté progressivement jusqu’à début mars, avant de se stabiliser pour ne baisser que vers la fin mars.
- Sur les 1 340 personnes incluses dans l’étude, 139 personnes ont été infectées par le virus, ce qui représente 10.4% de la population étudiée.
- 510 élèves ont été inclus dans cette étude, répartis sur six écoles primaires. Il y a eu trois cas probables d’infection par le SARS-CoV-2 dans trois écoles différentes avant la fermeture des écoles pour les vacances scolaires de février, puis pour le confinement à Crépy-en-Valois. Ces cas n’ont pas donné lieu à des cas secondaires, que ce soit parmi les autres écoliers ou parmi les personnels enseignants.
- Les enseignants ont été peu touchés, puisqu’il n’y a eu que 3/42 (7.1%) enseignants infectés au total, ce qui est semblable au chiffre retrouvé parmi les parents d’enfants non infectés dans cette étude (6.9%). Pour les personnels non enseignants, la proportion d’infection a été de 1/28 (3.6%).
- La proportion d’infection est très élevée (61.0%) chez les parents d’enfants infectés, alors qu’elle n’est que de 6.9% chez les parents d’enfants non infectés. Ceci permet de penser que les parents ont été la source de l’infection de leurs enfants dans de nombreux cas.
- Il n’y a eu que deux sujets hospitalisés (1.4%) pour COVID 19 sur les 139 cas d’infection par le SARS-CoV-2 recensés, ce qui est attendu pour une population relativement jeune. Ces deux hospitalisations concernaient des parents. Il n’y a pas eu de décès.
- Les enfants ont fait des formes mineures de la maladie, avec des manifestations cliniques peu évocatrices. Seule la diarrhée, présente chez 10 des 58 enfants infectés, et la fatigue, présente chez 15 d’entre eux, étaient associées avec la maladie.
- Chez les adultes, 90.7% de ceux qui ont perdu l’odorat, et 75% de ceux qui ont perdu le goût pendant la période d’étude, étaient infectés par le SARS-CoV-2, confirmant la valeur prédictive positive très forte de ces signes.
- La proportion de formes asymptomatiques parmi les personnes infectées a été estimée à 8/81 (9.9%) chez les adultes, et à 24/58 (41.4%) chez les enfants.
Cette étude menée par l’Institut Pasteur a retrouvé trois cas probables d’infection par le SARS-CoV-2 dans trois écoles primaires de Crépy-en-Valois avant la fermeture des écoles pour les vacances scolaires de février, puis pour le confinement à Crépy-en-Valois. Il n’y a cependant pas eu de transmission secondaire du virus vers d’autres enfants à l’école, ou des enfants vers les enseignants. Les enfants ont pour la plupart été infectés par leur entourage familial, vraisemblablement par leurs parents. Ces résultats sont rassurants dans le contexte de la réouverture des écoles primaires, mais doivent être confirmés par d’autres études en milieu scolaire. Une étude précédente, menée par les mêmes auteurs, réalisée dans le lycée de Crépy-en-Valois, avait montré que les lycéens, adolescents, avaient été beaucoup plus nombreux à être infectés lors de l’épidémie de février, et que les enseignants et autres personnels des établissements scolaires avaient également été touchés par l’épidémie.
« Dans l'ensemble, les résultats de cette étude sont comparables à ceux d’autres études réalisées à l’étranger, qui laissent entendre que les enfants de 6 à11 ans s’infectent plutôt en milieu familial qu’à l’école. La principale information nouvelle apportée par cette étude est que les enfants infectés n’ont transmis le virus ni aux autres enfants, ni aux enseignants et ni aux autres personnels des établissements scolaires. Il faut cependant confirmer ces résultats sur d’autres études vu le faible nombre d’introductions du virus dans les écoles qui ont pu être étudiées » commente Arnaud Fontanet, premier auteur de l’étude, responsable de l’unité Epidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur et professeur au Cnam. « Une fois de plus, la population de Crépy-en-Valois par son engagement pour cette étude nous a permis de faire progresser nos connaissances sur ce virus pour mieux préparer le retour des enfants dans les écoles » complète Arnaud Fontanet.
« Cette étude confirme également que le plus souvent les jeunes enfants, lorsqu'ils sont infectés par ce nouveau coronavirus, ne développent pas de symptômes de la maladie ou présentent des symptômes mineurs qui peuvent ne pas conduire à évoquer le diagnostic. Les signes très caractéristiques que sont la perte du goût et la perte de l'odorat, n'ont jamais été observés chez les enfants de moins de 15 ans alors qu'ils ont été rapportés par la moitié des adultes » ajoute Bruno Hoen, dernier auteur de l’étude et directeur de la recherche médicale à l’Institut Pasteur.
Ces travaux ont été entièrement financés par l’Institut Pasteur et menés en collaboration avec les autorités de santé françaises.
Source
SARS-CoV-2 infection in primary schools in northern France: A retrospective cohort study in an area of high transmission, Eurosurveillance, 15 avril 2021
Arnaud Fontanet, MD, DrPH1, 2, Rebecca Grant1, Laura Tondeur, MSc1, Yoann Madec, PhD1, Ludivine Grzelak3,4,5, Isabelle Cailleau, MSc6, Marie-Noëlle Ungeheuer, MD, PhD7, Charlotte Renaudat, MD7, Sandrine Fernandes Pellerin, PhD8, Lucie Kuhmel, MD9, Isabelle Staropoli3, François Anna10, Pierre Charneau10,11, Caroline Demeret12, Timothée Bruel, PhD3, Olivier Schwartz, PhD 3,4,5, 13, Bruno Hoen, MD, PhD1,6
1 Emerging Diseases Epidemiology Unit, Institut Pasteur, Paris, France
2 PACRI Unit, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris, France
3 Virus and Immunity Unit, Department of Virology, Institut Pasteur, Paris, France,
4 UMR 3569, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), France
5 Université de Paris, Sorbonne Paris Cité, Paris, France
6 Direction de la recherche médicale, Institut Pasteur, Paris, France
7 ICAReB platform (Clinical Investigation & Access to Research Bioresources) of the Center for translational Science, Institut Pasteur, Paris, France
8 Center for Translational Sciences, Institut Pasteur, Paris, France
9 Medical Center of the Institut Pasteur, Institut Pasteur, Paris, France
10Laboratoire Commun Pasteur/TheraVectys, Institut Pasteur, Paris , France
11Unité de Virologie Moléculaire et Vaccinologie, Institut Pasteur, Paris, France
12 Molecular Genetics of RNA Viruses, Institut Pasteur, Paris, France
13 Vaccine Research Institute, Creteil, France